Didier Van Impe a suivi et obtenu, en septembre 2001, le Certificat en gestion positive des conflits interpersonnels. Nous lui avons demandé de nous livrer quelques impressions et bénéfices retirés de ce cursus de formation.

Propos recueillis par Christine Cuvelier, initialement publiés dans le trimestriel n°81, en 2002.

Si nous vous demandons de vous présenter brièvement, que diriez-vous ?

Voilà donc, je suis Didier, marié et papa de 4 enfants.

Extérieurement, je suis réservé et rigoureux, mais dans le fond, un gars simple et peut-être un peu excentrique. Oui, sûrement.

Bref, un homme parmi tant d’autres, avec ses points positifs (doué pour l’écoute [?], volontaire), mais aussi bourrés de blocages et de peurs et encore tellement peu expérimenté à la communication authentique. Difficile de s’affirmer en ne parlant qu’en «je», 40 ans d’éducation à dire «tu».Quelles sont donc ces émotions ?

Réalité complexe de l’homme d’aujourd’hui. Profondément pour la paix et donc non agressif, il m’arrive pourtant de pousser encore des colères « from time to time ».

Lors de l’année culturelle 2000-2001, vous avez participé au Certificat de base en gestion positive des conflits interpersonnels. Qu’en avez-vous retiré ?

Que dire d’une expérience aussi riche. J’ai beaucoup aimé une expérience de groupe très ouvert et où confiance et support mutuels n’étaient pas de vains mots.

Le plus important tout de même reste la découverte progressive de soi et de ses (devrais-je dire : « de moi et de mes ») réactions positives ou difficiles durant les mises en situation.

Une première prise de conscience aussi : je ne m’en sors pas mal en médiation et en gestion d’équipe, gestion de réunion. Même si dans le groupe certains ont pour consigne de «jouer» une attitude plutôt perturbante et négative. Car c’est là aussi l’intérêt des mises en situation, c’est de donner un rôle, un caractère à chacun des participants à l’exercice. On est donc confronté à des situations réelles, et on peut expérimenter ses réactions, ses émotions en toute sécurité.

Pour moi, j’y ai découvert la nécessité, la possibilité et l’assurance de pouvoir poser mes conflits «potentiels», en tout cas mes différences et mes désaccords.

(En relisant ce texte, je me rends compte combien encore il m’est automatique de parler négativement : me vient-il encore à dire : «Non, je ne suis pas d’accord» trop souvent, plutôt que de dire «Voilà ce que j’ai compris de ce que tu m’as dis et moi j’ai besoin de …».)

C’est la seule voie possible pour voir mes besoins accomplis. Il faut au moins que je les exprime «authentiquement» en étant confiant de pouvoir gérer les réactions possibles «émotives», agressives, déstabilisantes… des autres et de pouvoir trouver une solution «win-win» au travers de l’écoute de soi et de l’autre, et avec quelque peu ou beaucoup de créativité.

C’est tout de même super complexe, mais essayer et avoir ne fusse qu’un peu de réussite c’est déjà çà.

Vous venez du secteur privé, quelles étaient vos motivations à vous former dans une organisation telle que la nôtre ?

Je suis ingénieur, chef de projets (grand projets) d’une entreprise automobile Nippone, implantée en Europe -en Belgique, France, Angleterre, Pologne, Tchéquie et Turquie.

Ingénieur veut en général dire rationnel, esprit de synthèse et rigueur.

Pas nécessairement les qualités humaines requises pour garder et développer la motivation des équipes ; garder un esprit positif pour le bon millier de participants au chantier du Projet ; négocier avec les Autorités et rencontrer les besoins de la hiérarchie. En ce sens, je ne suis donc pas un Ingénieur tout à fait typique. Par nature, je suis déjà très à l’écoute de mes collaborateurs

Mais il ne faut pas s’y tromper, mes motivations sont avant tout personnelles. Ras le bol de «combattre» et d’être en compétition dans ma vie professionnelle, mais aussi personnelle. Ras le bol d’être soumis à des petites escarmouches pour jauger de sa prédominance sur l’autre, sur moi. Je n’avais pas vraiment de réponse à ces comportements.

Mon souhait est de pouvoir lâcher prise, mieux me connaître et mieux exprimer mes besoins et enfin arriver à une certaine sérénité.

Choisir l’Université de Paix, plutôt qu’une formation pour «manager» par exemple convient donc mieux à ma démarche et me permet de sortir du cadre.

Une formation pour «manager» à la base existe déjà pour devenir plus performant, plus compétitif. Macho quoi (que ce soit d’ailleurs pour les Hommes ou les Femmes).

Je voulais simplement être plus présent aux gens qui m’entourent et mieux m’épanouir.

Vous travaillez avec des personnes de nationalités et de cultures différentes (français, japonais,…). Dans ce cadre, qu’en est-il des outils découverts lors de nos formations ?

Français, Japonais, Anglais, Allemands… plus de 17 nationalités parmi les quelques 1.500 personnes engagées sur le Projet. Mais aussi de nombreuses sous-cultures de groupe : le management supérieur, les cadres moyens, les ouvriers, les Autorités (marrant déjà comme les noms vous classent et vous cloisonnent); le client et les fournisseurs, les concurrents; l’appartenance à une entreprise ou à une division, l’engineering et la production,…

Tous ont un rôle attendu, une fonction déterminée, des fonctionnements établis.

Les enjeux et les responsabilités sont grands et ainsi en va-t-il des craintes et du stress de chacun.

Pour moi, impossible d’affronter des groupes au fonctionnement cohérent et puissant, mais parfois tellement inacceptables dans ma propre personnalité.

Paradoxalement, j’ai donc créer un nouveau groupe Projet en prenant soin d’y mélanger au moins Japonais, Français et Belges, et cela correspondait à une attente des participants.

Nouveau, donc libre de fonctionnements préétablis.

Nous avons pu, ensemble, établir un lieu de bonne humeur, parfois même chahuteur (pour évacuer le stress sans doute), mais avec beaucoup d’entraide et d’écoute mutuelle.

J’ai établi des règles de fonctionnement du nouveau groupe, basé sur ces critères.

Plus question d’entendre «Les Japonais sont comme ceci», «Les Européens sont des paresseux»,… ! sans être à l’écoute et discuter directement la vraie nature de la frustration ressentie.

Dès lors qu’on ne s’affronte plus à des groupes monolithiques, mais que l’on rentre en relation avec des individus, chacun unique et particulier,  tous les outils de la gestion des conflits Interpersonnels sont d’application.

A commencer par la médiation (où je me sens à l’aise), mais aussi l’expression claire des besoins (très important dans le cas de cultures aux fonctionnements différents), la négociation.

L’écoute active est toujours nécessaire.

La communication Nonviolente, où plutôt la communication authentique est difficile, d’abord parce qu’elle ne fait pas partie de ma culture (je ne commence qu’à l’intégrer un peu) et puis parce que les sensibilités aux mots et intonations des différentes cultures sont différentes. Pas mal d’apprentissage, et d’ajustement sont nécessaires ; mais il n’y a aucune crainte à avoir, c’est déjà beaucoup mieux que la communication «violente» et puis avec un peu de bonne volonté, c’est déjà cela.

Et le mot de la fin pour vous, ce serait…

Conclure est difficile au milieu du chemin. Avançons pas après pas là où la découverte des relations humaines et la «non-violence» nous emmènent.

J’engage chacun à essayer. Au début, c’est un peu lourd, car vraiment on se retrouve plein de doutes et d’émotions nouvelles ou surgissantes et, comme vous accordez de l’écoute, c’est vers vous que l’on se tourne naturellement pour «reporter» les problèmes. Mais ensuite la richesse des relations humaines apporte tellement de satisfactions.