Dans le cadre de la Décade de l’Union européenne pour la culture de la paix et de la non violence pour les enfants dans le monde (2001-2010), la Commission européenne a attribué des fonds Daphné à l’International Fellowship of Reconciliation (IFOR) (MIR en francophonie), afin de réaliser une recherche-action sur l’éducation à la paix et la prévention de la violence dans les écoles maternelles. Les fonds européens Daphné sont attribués à des projets qui visent à combattre la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes. L’Université de Paix a été sollicitée pour participer à cette recherche-action, qui jette les bases de l’élaboration d’un programme européen de développement des habiletés sociales.

Un article rédigé par Christelle Lacour et Julie Duelz, initialement paru dans le trimestriel du mois de juin 2008.

Prévenir la violence dans les écoles maternelles – Projet européen d’éducation à la paix

Suite à la tragique affaire Dutroux, et pour montrer sa détermination à lutter contre ces crimes, l’Union Européenne décide en 1997 de commencer à financer des projets européens spécifiquement consacrés à la lutte contre la violence envers les enfants et les femmes. C’est la naissance du programme Daphné, sous la responsabilité de la Direction Générale Justice et Affaires Intérieures. Le premier cycle de subventions a été attribué entre 2000 et 2004, le deuxième a été inauguré l’année dernière (Daphné II). Pour le deuxième cycle de subventions, le programme se concentrera sur l’échange de bonnes pratiques entre les pays membres et insiste sur la coopération entre les pays et le partage des expériences et des méthodes. Ces possibilités permettent de développer des projets originaux et efficaces.

C’est donc dans le cadre de l’appel à projets Daphné II que l’IFOR a proposé l’idée du projet « Approches durables pour l’éducation à la paix et la prévention de la violence dans les écoles maternelles ». Cette idée a émergé suite à la lecture du rapport de l’OCDE « Petite enfance, grands défis II : Éducation et structures d’accueil ».

Participent à cette recherche à la fois des Universités (Université d’Halmstadt en Suède, de Florence et de Pise en Italie, de Lodz en Pologne, d’Oslo en Norvège, de Fribourg en Allemagne, Université du Kosovo) et des centres de formations pour enfants et adultes, comme l’Université de Paix en Belgique ou le Centre pour la Communication Non Violente en Suède. Dans chaque pays partenaire, des écoles maternelles pilotes ont été choisies pour faire partie de la recherche-action. En Belgique, il s’agit de l’école communale d’Ecausinnes, dans le Hainaut.

La recherche action en prévention de la violence dans les écoles maternelles s’étend sur 4 ans. Dans un premier temps, nous avons effectué un état des lieux concernant la violence et les habiletés sociales dans les écoles maternelles de chaque pays partenaire (questionnaires, observations filmées de conflits entre enfants, interviews, revue de la littérature et des lois nationales, etc.). Cette première phase a commencé en juillet 2007 et s’est terminée fin avril 2008, avec des publications et une conférence internationale regroupant les participants locaux, nationaux et internationaux au projet. L’objectif était de réaliser une comparaison internationale des contextes nationaux en matière de législation, d’éducation à la paix, d’infrastructures dans les écoles,…

Sur base des résultats de la phase I et avec la collaboration des pays partenaires de l’étude (notamment Allemagne, Suède, Italie, Pologne, Norvège), il s’agit alors de construire et de tester un programme européen de développement des habiletés sociales dans les classes maternelles de chaque pays (phase II : mai 2008 – mai 2010). Ce programme a pour finalité l’éducation à la paix chez les enfants, en collaboration avec les instituteurs, l’équipe éducative et les parents concernés. Il s’agira ainsi de donner des ateliers dans les classes maternelles, mais également d’offrir des journées de coaching aux enseignants et de formation ou d’information à l’équipe éducative (surveillants, puéricultrices…) et aux parents. Cette étape sera également l’occasion d’échanges entre les écoles, institutions ou encore universités des différents pays. Comme la phase I, la phase II se clôturera par une conférence internationale et des publications concernant le processus et les résultats des ateliers pour enfants et adultes dans les écoles.

La dernière phase (phase III : juin 2010 – juin 2011) sera consacrée à l’évaluation du projet, en vue de modifier le programme de développement des habiletés sociales et d’estimer les retombées possibles au niveau national, européen et international.

A tout moment durant ce projet, seront visés au niveau international :

  • la visibilité et la promotion de la prévention de la violence et de l’éducation à la paix dans des classes maternelles auprès des différents systèmes éducatifs européens (en Belgique, auprès du Ministère de l’Éducation de la Communauté française);
  • la coopération et la mise en réseau interdisciplinaire (psychologie, pédagogie, pédiatrie, sciences de l’éducation, sociologie,…) et la mise en réseau locale, nationale et européenne (entre écoles, associations de parents, communes, journaux, universités, ONG, Commission européenne…).

Nous sommes convaincus qu’éduquer à la citoyenneté et à la gestion de conflits est un travail qui se fait dans la durée et avec tous les partenaires scolaires. C’est pourquoi l’approche systémique du programme européen de prévention de la violence en maternelle nous intéresse particulièrement.

Comme nous l’avons expliqué plus haut, l’Université de Paix a été contactée par l’IFOR afin de collaborer à la réalisation de cette recherche-action sur la prévention de la violence et l’éducation à la Paix chez les enfants en école maternelle. Notre rôle consiste à :

  • participer aux réunions européennes (réflexion, décisions, etc.) et aux conférences internationales ;
  • favoriser les liens entre les partenaires locaux, nationaux et européens ;
  • rendre des rapports nationaux concernant l’avancée du projet, le processus, les résultats, l’évaluation, les possibilités de retombées locales, nationales, internationales ;
  • collecter les informations concernant l’école, les lois belges, les études universitaires belges sur la prévention de la violence et l’éducation à la paix ;
  • réaliser les observations, mener les interviews, collecter les données concernant la violence chez les enfants, etc. ;
  • servir de lien, de contact entre le siège de la recherche (en Allemagne) et l’école communale d’Ecausinnes, école pilote pour le projet ;
  • rencontrer le directeur, les institutrices, les parents, l’équipe éducative de l’école communale d’Ecausinnes, afin de les informer et de codécider des modalités concrètes de réalisation du programme européen de développement des habiletés sociales ;
  • donner des ateliers aux enfants et des formations aux adultes (enseignants, équipe éducative, parents…).

L’Université de Paix apporte une expérience de plus de 15 ans dans l’apprentissage de la gestion de conflits en maternelle et en primaire. Le programme que nous réalisons actuellement dans les classes s’intitule « Graines de médiateurs ». Primé par la Communauté Française en novembre 2006, il est sans cesse amélioré grâce à notre expérience sur le terrain et à la collaboration des enseignants.

Par ailleurs, collaborer et mettre en commun les différentes approches des partenaires du projet européen nous paraît être la meilleure façon d’ouvrir notre champ d’action et de nous enrichir de l’expérience des autres pays membres de la recherche-action. Finalement, tester, évaluer, se questionner sur ce programme européen de développement des habiletés sociales permettra sans aucun doute d’en mesurer l’impact concret dans la gestion positive des conflits, de l’enfant de 3 ans au Directeur d’école.

Parallèlement à ce travail, l’Université de Paix a pris contact avec le Cabinet de la Ministre-Présidente de la Communauté française. Une rencontre a eu lieu le 14 février 2008, afin de présenter le projet européen à Monsieur Dominique Luperto, collaborateur de la Madame la Ministre Marie Arena. L’Université de Paix s’est engagée à communiquer les résultats des différentes phases de cette recherche-action. En retour, Monsieur Luperto a accepté de nous transmettre ses commentaires, suggestions et pistes de travail concernant le projet européen et ses suites possibles au niveau national.