Par Mireille Jacquet, initialement publié en 2002 dans le trimestriel n°79 de l’Université de Paix.

Quand j’ai décidé d’étudier le droit, c’était avec la conviction absolue que cela répondait à ma recherche de justice.

Les lois édictées donnant les principes de régulation des rapports entre les hommes, il «suffirait» aux juges de s’y référer pour trancher tout différend. Dès lors, appliquer la loi adéquate et décider ainsi qui a tort et qui a raison devait être un travail de procédure relativement simple, hormis la précision de quelques détails propres à chaque situation présentée. Quant à l’application de la décision prise, cela ne devait poser de problèmes puisque la référence objective était connue de tous («Nul n’est censé ignorer la loi»)… chacun se devait donc de l’accepter.

Idéalisme ? Sans doute !

Dans les faits, connaissance de la loi, applicabilité, respect,… sont des dimensions régulièrement battues en brèche.

Mais surtout, méconnaissance de la complexité des situations conflictuelles et des relations humaines ! Si chacun respectait la totalité des règlements et des lois, le nombre de situations problématiques chuterait, bien entendu.

«Resteraient», notamment, les conflits se situant à la frontière de l’applicabilité des lois soit en raison de leur nature, soit en raison de l’interprétation donnée à la loi de référence. Et aussi les conflits dans lesquels la dimension de la relation est importante (ce qui, de près ou de loin est actuellement indemnisé comme dommage moral).

Cela signifie un nombre important de situations difficiles pouvant êtres vécues comme culpabilisantes par les personnes concernées.

Situations qui seront -ou non- portées devant les tribunaux, lesquels prendront une décision pour les cas présentés. Même si, à ce moment-là, les acteurs du monde judiciaire souhaitent prendre en compte tous les éléments factuels et relationnels ainsi que les conséquences à court et à long terme, le temps disponible, les structures ne permettent pas souvent de le faire concrètement.

La nécessité de travailler en aval des situations conflictuelles autrement que par l’établissement de règles ; la nécessité de ne pas lire le conflit comme un échec définitif et insurmontable ; la nécessité pour les parties en conflit de clarifier puis d’exprimer complètement leur lecture des faits, leurs besoins, leurs souhaits par rapport à la situation ; la nécessité de construire la relation post-conflictuelle ; autant d’éléments qui, au fil des années, me sont apparus comme devant être travaillés tant au niveau de l’éducation qu’au niveau des analyses et des moyens proposés aux parties pour résoudre leur conflit.

Dès lors que le regard porté sur une situation est modifié, les moyens recherchés pour la gérer sont différents. Il s’agira donc –avant de travailler les modes de gestion de conflit- d’apprendre à regarder le conflit comme une source possible d’amélioration et à s’approprier des éléments permettant de clarifier les positions de chacune des parties du conflit.

L’ouverture à l’autre, la communication seront alors facilitées et favoriseront une action plus adéquate dans le cadre du respect de l’autre et des règles de vie en société.