Un article de Timothée Demont, membre du Conseil d’administration de l’Université de Paix, publié en tant qu’éditorial du trimestriel n°126.

Dans cet article, T. Demont compare les situations belge et française en ce qui concerne l’éducation à la paix et à la médiation par les pairs…

Cela fait un peu plus d’un an que j’habite et travaille en France. Je trouve ce grand pays fascinant à de nombreux égards. Je pensais le connaitre et me sentais si proche, en tant que Belge francophone. Pourtant, de vivre en son sein, de suivre au quotidien les débats et remous sociaux et politiques qui l’habitent, je me suis rendu compte que nous étions en fait des sociétés assez différentes. Il s’agit pour une grande part de ressentis informes, difficiles à transcrire. Néanmoins, un constat n’a cessé de me revenir régulièrement à l’esprit. Il s’agit d’un constat nécessairement subjectif et simplificateur, mais que j’avais néanmoins envie de partager ici puisqu’il trouve son origine dans l’outil de lecture de la croix de Barry-Hart découvert à l’UP. Ainsi donc, je ressens une logique de compétition très prégnante dans la sphère publique française. L’Etat français, ce n’est un secret pour personne, est un Etat centralisé, fort et influent. Le Président se doit d’avoir une bonne dose de charisme et d’autorité.  Les Français ont l’habitude que l’Etat régule abondamment et fixe la marche à suivre jusque dans ses moindres détails. Ils ont aussi l’habitude de s’en plaindre, d’ailleurs. Il reste, non sans ambiguïté, qu’ils en ont d’une certaine manière besoin. Le Président Hollande est arrivé au pouvoir un peu par erreur, dans un mouvement de retour de balancier. Une majorité des citoyens s’étaient montrés fatigués par les manières excessives de Sarkozy et s’étaient prononcés en faveur d’un changement de profil radical. Cependant, les sondages actuels montrent que beaucoup d’entre eux regrettent le côté « rassurant » d’un Président et d’un gouvernement « autoritaire ».

Je voudrais évoquer un exemple récent, proche de la réalité de l’UP, d’une de ces décisions prises à Paris et imposées tant bien que mal à grand renfort de communication. La loi Peillon contre le harcèlement à l’école demande à chaque établissement de mettre en place une politique préventive, sur base de conseils prodigués dans une série de guides pratiques publiés par le gouvernement[1]. Résultat : un recueil de bonnes intentions, dans lequel on retrouve notamment la nécessité de mettre en place un climat scolaire agréable, des règles claires, des espaces de parole, des pratiques collaboratives et de l’empathie entre enfants, un système de médiation par les pairs, etc.[2]. Bref, une bonne idée… malheureusement largement inefficace parce que dénuée d’accompagnement et de formations de longue durée sur le terrain, capables d’impliquer et de transformer progressivement tous les acteurs de la communauté éducative en gardiens du savoir vivre ensemble. Loin de cette approche « top-down » cherchant à faire du bruit et du chiffre, l’UP [Université de Paix] sème des graines de médiateurs en Fédération Wallonie Bruxelles depuis 2007… Qui ont déjà fait éclore autant de fleurs dans les classes et cours de récréation. Mais il est vrai que le contexte n’est pas le même.

Timothée Demont


[1] Il est vrai que le phénomène de harcèlement dans l’hexagone a pris des dimensions inquiétantes : une enquête de l’Observatoire de la violence à l’école auprès d’élèves de primaires montre que 14% et 10% des élèves déclarent avoir subi un harcèlement moral et physique, respectivement. Les chiffres sont assez proches pour le niveau secondaire.

[2] Plus d’informations sur www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr