Radicalisation : les croyances et représentations des adultes

Cet article fait partie d’un dossier de fond relatif aux pistes éducatives face à la « radicalisation ». Ce document a été produit par le Groupe de Travail « adolescence » du Conseil académique en gestion de conflits et en éducation à la paix. Il est issu d’une réflexion ayant débuté en septembre 2015.

Plan du dossier

Aborder le thème de la radicalisation passe souvent par le fait de modifier la compréhension que les individus en ont. En effet, c’est un phénomène extrêmement complexe, faisant intervenir de nombreuses variables, et qui se manifeste plusieurs manières.

Le passage à la participation à l’extrémisme et au terrorisme violent n’est pas nécessaire et peut évoluer via différents parcours tant la radicalisation n’est pas unique.

Pauwels, L. (dir.), Brion, F., De Ruyver, B. et al, Comprendre et expliquer le rôle des nouveaux médias sociaux dans la formation de l’extrémisme violent. Une recherche qualitative et quantitative (RADIMED), Bruxelles : Politique scientifique fédérale, 2014. Synthèse consultée le 05/10/2015.

De manière générale, en tant qu’adultes, nous avons tous des représentations diverses autour des adolescents. Dans certains cas, ces préjugés peuvent être un frein à l’action éducative des adultes. En conséquence, nous invitons à les remettre en cause et les nuancer.

Prenons un exemple en lien avec la question du harcèlement. Il existe une vision binaire dans laquelle le harceleur est nécessairement un pervers intrinsèquement violent. En réalité, il y a un consensus dans la communauté scientifique pour considérer que le harcèlement scolaire est un phénomène groupal. Les individus y tiennent des rôles spécifiques.

Ces deux visions n’impliquent pas le même type de prise en charge. Dans le premier cas, il s’agit de « neutraliser » un individu identifié comme violent (avec une forte probabilité que le phénomène se poursuive ou se reproduise avec d’autres jeunes), alors que dans l’autre, il est question d’agir avec tout un groupe.

Plusieurs idées reçues se focalisent en général sur une causalité linéaire. En voici deux illustrations :

  • « les jeux vidéo ou les réseaux sociaux sur le web seraient la cause des comportements violents ». Cette croyance néglige le contexte psychologique, l’environnement familial et social, les expériences vécues par le jeune… Cela met également de côté les usages bénéfiques des réseaux sociaux et des jeux vidéo.
  • « le harcèlement est le fait de jeunes dominants manquant d’empathie ». Cette affirmation ne prend pas en considération les dynamiques de groupes, le rôle des témoins, l’éventuel vécu émotionnel des différents acteurs…

A ce sujet, lire entre autres :

Face à des propos radicaux extrémistes, cautionnant une certaine forme de violence, les intervenants éducatifs peuvent se sentir d’autant plus démunis. Il peut alors être tentant de se limiter à une opinion simple dans laquelle le jeune en train de se radicaliser aurait simplement un « mauvais fond », serait un « simple d’esprit », etc.

Afin que ces pensées ne soient pas des obstacles à l’apprentissage et à l’action pédagogique, il importe d’aider les intervenants à enrichir leurs conceptions et jugements. Les relations humaines font intervenir de multiples paramètres. Concernant la radicalisation, l’enjeu n’est pas tant de donner une « grille de lecture » complète du phénomène, mais au contraire de montrer combien celui-ci est complexe. Dans le cadre de l’étude des relations humaines, nous privilégions une approche dite « systémique », qui se focalise davantage sur l’étude des interactions complexes entre les individus, par différenciation avec une approche dite « linéaire » et purement essentialiste, qui se limiterait par exemple à la prise en compte de caractéristiques « intrinsèques » de l’individu.

Comprendre les processus à l’œuvre ne signifie pas accepter les comportements destructeurs. Il est possible de prendre en compte le vécu social et émotionnel d’un jeune ou encore les dynamiques de groupe en lien avec sa situation, sans toutefois cautionner ses actes, gestes ou discours violents.

Ci-après, nous approfondissons des hypothèses de compréhension du phénomène, en lien avec des pistes de prévention et d’intervention dans le cadre scolaire.

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