Par Jean-François Lecocq (2013), Formateur en Communication Nonviolente, Intervenant pour l’Université de Paix.

Si aujourd’hui, tellement de personnes ont entendu parler de la Communication Nonviolente, lu un livre, participé à l’une ou l’autre formation, il n’en fut pas toujours ainsi. Il y a 20 ans, en 1993, ce processus était tout à fait inconnu dans notre pays.

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La rencontre

En fait, tout s’est tramé l’année précédente grâce à Michel Mégard (membre du collectif francophone des formateurs à l’action nonviolente, collaborateur du Centre pour l’Action Nonviolente (CENAC)). Celui-ci informe alors l’Université de Paix de la venue du Dr. en psychologie Marshall Rosenberg au Louverain en Suisse pour une formation à la Communication Nonviolente qui, disait-il, pouvait peut-être nous intéresser. Nicole, mon épouse, et moi-même avons ainsi la chance de participer à cette formation résidentielle donnée du 5 au 10 juillet 1992 par Marshall Rosenberg avec l’aide d’Anne Bourrit, sa collaboratrice suisse qui le traduit remarquablement bien. A vrai dire, si nous sommes quelque peu sceptiques au départ -c’est là un détour dans nos vacances familiales !- nous apprécions rapidement ce choix, au point que même Noé, 15 ans, délaisse petit à petit les jeux avec son petit frère Anaël dans le superbe parc environnant, pour suivre entièrement la deuxième partie de la formation et participer à tous les exercices avec les adultes.

Nous sommes frappés par la convergence de cette nouvelle approche, tant avec le concept du dialogue développé par l’Université de Paix qu’avec notre propre cheminement -Nicole vers sa pratique de la Catharsis, la thérapie nonviolente des profondeurs (cf. Nicole Lecocq-François, Une Vérité qui libère – Du passé imposé au présent libéré, éd. Quintessence, 2009), moi dans celui des formations à la nonviolence, dont l’approche de la Communication Efficace du Dr. en psychologie Thomas Gordon. Celui-ci se situe d’ailleurs dans le même courant rogérien de psychologie humaniste que la Communication Nonviolente et a été introduit dans les années 70 dans notre pays par l’Ecole des Parents et des Educateurs (E.P.E.). Pour ma part, c’est en 1972-73 que j’ai eu l’occasion de me former avec le MIR [IFOR] aux techniques de préparation aux actions nonviolentes utilisées par les formateurs accompagnant Martin Luther King dans ses manifestations de revendication des droits civiques pour les Noirs des Etats-Unis et c’est en 1978 que j’ai été certifié formateur en Communication Efficace par l’E.P.E.

Rappelons que le courant de psychologie humaniste, fondé par Carl Rogers et Abraham Maslow, plutôt que de se centrer sur ce qui cloche chez la personne (le traumatisme, le pattern de comportement), se centre sur ses ressources, ce qui fait qu’elle est bien dans sa peau, relationne positivement avec son milieu, etc. Centrée sur la personne, sans jugement, sans directivité, cette approche évite de faire des diagnostics, des plans de traitement, des protocoles thérapeutiques… Elle se situe donc essentiellement dans une perspective éducative résolument confiante dans les possibilités de la personne humaine. Cette orientation marque aussi bien son domaine que sa limite, qu’Abraham Maslow exprime bien quand il dit : « Tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu’un marteau » (« I suppose it is tempting, if the only tool you have is a hammer, to treat everything as if it were a nail »). Ce qui n’enlève évidemment rien à l’utilité du marteau !

Le dernier jour de la formation, Nicole et moi tenons un petit Conseil de Paix avec Marshall Rosenberg et Anne Bourrit, afin d’envisager les possibilités de diffusion du processus de la Communication Nonviolente en Belgique. Le Dr. Rosenberg nous partage alors son rêve d’introduire la Communication Nonviolente dans notre pays par des stages réunissant prioritairement des formateurs d’adultes susceptibles de transmettre eux-mêmes son processus. Tous partagent ce rêve et ont le goût de le mettre en œuvre. Et il nous donne directement son accord pour venir en Belgique l’année suivante.

Marshall Rosenberg en Belgique

C’est ainsi qu’en 1993, l’Université de Paix invite Marshall Rosenberg et Anne Bourrit en Belgique. Le 6 mai, à la Faculté des Sciences de Namur, Marshall, traduit par Anne Bourrit, donne une première conférence intitulée « Parler du cœur au cœur ». Celle-ci est vivement appréciée par le public.

Et du 7 au 9 mai, c’est le superbe château de Vierset qui accueille un premier groupe de 14 participants travaillant dans la formation d’adultes pour découvrir « Le processus de la Communication Nonviolente » avec Marshall Rosenberg et Anne Bourrit. Un somptueux décor pour cette première formation en Belgique qui enchante les participants. Je me souviens que, du petit balcon de la salle de formation, on domine un étang calme… qui s’anime soudainement quand on y jette les restes des vieux pains rassis. A ce moment en effet, la surface s’agite et une multitude incroyable de carpes se bousculent furieusement pour engloutir en un instant toute la nourriture. Je suis fasciné par ce spectacle que je ressens comme un présage de fécondité pour l’avenir de la CNV en Belgique !

Si, par la suite, je fus le seul qui poursuivit le processus de formation de formateurs, j’ai plaisir à citer parmi les autres participants à cette première formation en Belgique, Ariane et Benoît Thiran qui, après un long séjour dans le développement en Amérique du Sud, ont co-fondé l’asbl « Sortir de la Violence » et incorporé les notions de base du processus dans les formations qu’ils donnent sur l’approche évangélique de la nonviolence. Il en est de même pour le Dr. Patricia Patfoort, anthropologue et auteure de l’ouvrage Se défendre sans attaquer – La puissance de la nonviolence, éd. Jeugd & Vrede et Baeckens Books, Mechelen, 2004. Pat Patfoort travaille sur la question des alternatives nonviolentes depuis plus de trente ans et, avec l’organisation « De Vuurbloem », incorpore ces mêmes notions dans ses formations sur la nonviolence active en Flandre.

Le numéro de juin 1993 de la revue de l’Université de Paix publie la traduction par Christiane Secrétan d’une interview de Marshall Rosenberg par Guy Spiro, parue l’année précédente dans « The Monthly Aspectarian » de Chicago. Cet article a été repris à diverses occasions par la suite, car les idées que Marshall ne cesse de développer dans ses formations y sont présentées de façon très simple et attrayante. Puis Anne et Nicole traduisent deux opuscules de Marshall : d’une part un « Cahier d’exercices de Communication Nonviolente » de 39 pages et d’autre part, une « Introduction à la langue Girafe – Une soirée de séminaire à Del Mar, Californie, 15 mai 1991 » de 41 pages. Ces deux publications, photocopiées et reliées à l’Université de Paix, seront bien utiles en attendant la sortie en 1999 du premier livre de Marshall en français et de tout ceux qui ont suivi (cf. Bibliographie).

Pendant 13 ans, soit jusqu’en 2005, l’Université de Paix va inviter chaque année au moins une fois Marshall et Anne dans notre pays. En tout cela fera 18 formations sur des thèmes qui concernent tant la méthode comme « Le processus de la CNV », « Aller plus loin dans la CNV » ou « Formation Intensive Internationale à la CNV » que les aspects particuliers comme « Education et CNV », « Se libérer de l’apprentissage culturel destructeur et les normes en CNV », « La CNV dans le changement social », ou « La CNV, de l’individu à l’organisation »… Cela aboutira à un développement décisif de la Communication Nonviolente chez nous (Pour ceux qui souhaitent en savoir plus…).

La Concertation pour la CNV et un parcours certificatif

Divers contacts pris durant l’année 1995 mettent en évidence le fait qu’il devient nécessaire d’assurer rapidement la crédibilité d’une organisation harmonieusement concertée de la Communication Nonviolente. Aussi l’Université de Paix et l’E.P.E. élaborent durant cette année, un projet de « Concertation pour la Communication Nonviolente ». Mise sur pied officiellement le 18 janvier 1996, elle rassemble alors, outre les organismes de formation précités qui apportent ainsi leur caution morale à la CNV et leur expérience dans la formation, des personnes motivées et actives dans la problématique, soit comme formateurs, soit comme organisateurs. Se retrouvent ainsi autour d’Anne Bourrit, pour le lien qu’elle représente avec le Dr. Rosenberg, Véronique Boissin, Thomas d’Ansembourg, Catherine et Martine Lessire, Anne-Charlotte Roussel, Anne van Stappen, Pierre-Bernard Velge, Régine Parez, en tant que représentante de l’E.P.E. et moi-même, en tant que représentant de l’Université de Paix. Cette Concertation devient le lieu où les problèmes posés par le développement rapide de la Communication Nonviolente en Belgique vont pouvoir être abordés.

Dans un esprit d’accès à l’information pour le public et de soutien mutuel pour les nouveaux formateurs, l’Université de Paix sort, en octobre 1995, le premier numéro de « L’Agenda pour la Communication Nonviolente », photocopié et distribué en principe par tous les formateurs aux participants à une activité de formation à la Communication Nonviolente en Belgique. Elle assure ce service à une cadence rapprochée pour la publication de 20 premiers numéros. Si actuellement encore, cet agenda continue d’être publié deux fois par an par l’Association pour la CNV sur son site internet, ce dernier offre en plus aujourd’hui le service d’un « Agenda Permanent » des activités, mis à jour instantanément par chaque formateur en Belgique, France et Suisse. Et pour ce qui est des formateurs, un parcours clair de formation de formateurs francophones CNV d’environ trois ans a pu être mis au point avec l’assentiment de Marshal.

De nouveaux développements

Je vous partage ici une petite anecdote. En ce qui me concerne, début 1997, mon nom était déjà apparu sur la liste des formateurs CNV du Centre pour la Communication Nonviolente avant même que je n’aie fait la moindre demande à Marshall ! Par honnêteté, j’ai d’abord fait rectifier cette nouvelle pour le moins prématurée. Mais l’année suivante, je me suis décidé à écrire à Marshall pour lui demander de passer son test et, surprise, il m’a directement répondu qu’il me reconnaissait formateur sans avoir besoin de passer le test. Evidemment, il avait déjà eu maintes occasions de me voir dans les nombreuses formations que j’ai faites avec lui depuis 1992 au Louverain. Aussi j’ai pris cette décision comme une grande marque de confiance de sa part… et c’est ainsi qu’en 1998, le Centre m’a (ré)inscrit sur sa liste !

Fin 2001 – début 2002, l’Université de Paix est sélectionnée pour donner des formations à des surveillants de prisons. C’est ainsi qu’après une bonne préparation avec notamment la visite de plusieurs prisons, histoire de sentir l’ambiance et de connaître quelque peu ce public spécifique, j’ai eu l’occasion, accompagné par Julie Artus ou Sonja Léonard, de donner trois jours de formation à la Communication Nonviolente plus un jour de rappel à trois groupes d’agents pénitentiaires francophones à l’Institut des Cadres Pénitentiaires de Marneffe. Etant tous les trois très motivés, nous y avons beaucoup appris, car les prisons belges sont des lieux de grandes souffrances pour ceux qui y vivent ou y travaillent. Notre pays est d’ailleurs régulièrement cité et condamné par les autorités européennes pour les traitements inhumains et dégradants qui s’y produisent. Les personnes que nous y avons rencontrées, des surveillants et des surveillantes, vivent des situations très difficiles et sont souvent bien mal considérées par un public mal informé ou par les politiciens. Aussi sont-ils véritablement affamés d’empathie et de Communication Nonviolente (cf.  l’article « La justice, sécurité d’aujourd’hui et de demain » de Julie Artus, Jean-François Lecocq et Sonja Léonard paru dans le n° 79 de juin 2002 du trimestriel de l’Université de Paix).

En 2002, l’Université de Paix donne des formations pour des avocats médiateurs dans lesquelles j’anime la partie sur la CNV. C’est aussi cette année que, choisissant de réorganiser autrement mon temps, je décide de prendre anticipativement ma retraite en tant qu’employé de l’Université de Paix. C’est avec émotion que le 31 mai, je participe à la fête de circonstance avec mes collègues. Ceux-ci, connaissant ma passion pour l’aéromodélisme et la construction -ou la réparation !- de planeurs radiocommandés, m’offrent une magnifique scie sauteuse électrique. C’est exactement le genre d’outil qu’on ne se paierait pas soi-même, mais dont on se demande après coup comment on a pu s’en passer ! Et c’est avec le statut d’indépendant complémentaire que je continue ensuite à apporter mon concours à l’Université de Paix, spécialement en ce qui concerne la Communication Nonviolente. Quant à mes collègues de la Concertation, ils me font la surprise d’un magnifique planeur avec lequel j’aurai l’occasion de passer bien des moments intenses. Je suis touché par tant de générosité, alors que j’imagine combien cela doit leur être dur parfois de supporter ma collaboration qui, si elle se veut stimulante, doit aussi à l’occasion leur paraître semblable à celle d’une « mouche du coche » quelque peu harcelante !

En 2003, au Domaine de La Marlagne, nous avons le grand plaisir de célébrer le 10ème anniversaire de la Communication Nonviolente en Belgique avec la présence de Marshall et Anne, qui sont là aussi pour la formation « Education & CNV ». Depuis 10 ans, nous avons vécu bien des événements, traversé parfois des situations délicates qui nous ont fait nous remettre en question, mais il est évident pour moi que c’est grâce à leur collaboration soutenue durant ces 10 années, que nous connaissons aujourd’hui un tel développement de la CNV en Belgique.

Et c’est deux ans plus tard, du 4 au 6 juillet 2005 au Domaine de la Marlagne, que Marshall et Anne reviennent pour la 18e et dernière fois à l’invitation de l’Université de Paix sur le thème de « La CNV, de l’individu à l’organisation » (Avec celle que l’Université de Paix a organisée en 1998 avec le projet « Cap Paix », cela fait même 19 !). Le défi est ici d’expérimenter le processus CNV au niveau individuel, groupal et organisationnel, et d’articuler entre elles ces trois dimensions constitutives de toute société. Chaque journée porte sur un niveau différent et comprend : un exposé de Marshall, un travail en atelier et une séance plénière avec feed-back de Marshall. Je suis plein de gratitude pour tout ce qu’il nous a apporté au fil de ces années avec le concours d’Anne Bourrit, sa fidèle collaboratrice, traduisant sa pensée avec toute la subtilité qu’elle méritait.

L’augmentation du nombre des formateurs certifiés permet à ce moment à l’Université de Paix d’alléger la partie de son programme occupée par les aspects particuliers de la CNV. Ceci est un signe que l’enfant grandit et peut maintenant envisager d’aller vers son autonomie. Comme dans d’autres domaines comme la médiation, les jeux coopératifs ou les technologies appropriées, l’Université de Paix a ici aussi accompli son rôle de greffeur d’approches nouvelles de paix dans le corps social. Désormais, elle limite ses formations CNV à quelques formations d’Introduction par an et à des interventions extérieures qui rentrent dans le cadre de son objectif de formation à la gestion positive des conflits.

En 2011, j’ai enfin pu réaliser un rêve et, du 27 au 30 janvier, j’ai eu la chance de participer, de même qu’Anne Bruneau pour les Belges, à la formation originale sur les Pistes de Danses CNV pour formateurs et candidats avec Bridget Belgrave à Lyon. Depuis, avec Claire Struelens nous avons animé par deux fois cette activité « Communiquer, c’est comme danser ! » à l’Université de Paix. C’est toujours un plaisir pour moi d’animer ces danses CNV qui permettent d’intégrer la communication à la fois de façon visuelle, auditive et corporelle. Le seul problème avec cette approche didactique bien intéressante, c’est qu’elle demande pas mal d’espace pour la pratiquer et aussi un travail de préparation systématique précis et conséquent… pour les formateurs. Pour les participants, c’est autre chose, il suffit juste pour eux de prévoir des chaussons ou des surchaussettes !

J’ai plaisir à signaler qu’en octobre 2012, la 1ère formatrice flamande a été reconnue dans notre pays. Félicitation à Corry Laura Van Bladel qui habite Eindhout. Nous attendions cela depuis si longtemps. Elle a commencé son parcours en suivant les formations à la nonviolence données par Patricia Patfoort, dont nous avons vu qu’elle a participé à la 1re formation CNV donnée par Marshall en 1993 dans notre pays. Comme quoi tout se tient… mais il aura fallu près de 20 ans ! Avec elle, nous sommes aujourd’hui 27 formateurs en service en Belgique -ou en Afrique aussi parfois, pour certains d’entre nous.

Cap Paix

Les drames de l’Algérie, du Rwanda et du Burundi se sont répercutés sur le campus de Louvain-La-Neuve par de fortes tensions dans les communautés originaires de ces pays. C’est pourquoi, soucieuse de développer des réponses qui permettent de dépasser le traitement au cas par cas, l’Association des Services d’Aide de Louvain-La-Neuve (ASAL) s’est adressée à l’Université de Paix afin de développer ensemble des stratégies de régulation des tensions dans la communauté internationale du campus. Guy De Beusscher, assistant social travaillant à l’ASAL, sera la cheville ouvrière de ce projet. L’asbl Innovation Sociale et Animation (ISA) y est également partie prenante sous l’impulsion de Michel Taverne.

Pour répondre à ces préoccupations, des formations sont organisées à partir de 1996, dans lesquelles le modèle de la Communication Nonviolente développé par Marshall Rosenberg y occupe une place centrale. Des dizaines de formations voient le jour dans les années suivantes. Plusieurs d’entre elles ont eu lieu dans le Centre de Formation de l’UCL à Matagne-La-Petite. C’est là qu’en avril 1998, Marshall Rosenberg aura l’occasion d’animer une formation sur « Le changement social et les préjugés », en fonction des problématiques vécues par les participants dans leurs pays, notamment par des jeux de rôles et un travail de médiation et de réconciliation.

Cela évolue par la constitution le 6 juin 2002 d’une ASBL spécifique qui prend le nom évocateur de Cap Paix (dont le 1er président sera François Bazier, formateur et administrateur à l’Université de Paix). Celle-ci, fondée sur une équipe pluraliste et multiculturelle, développe encore le champ des activités qui culminent en 2003 et 2004 par la certification par Anne Bourrit de 7 formateurs CNV africains qui ont fait tout le parcours de certification grâce à ce projet. C’est là comme un couronnement de tous les efforts fournis pendant tant d’années.

Notre bonheur est grand, mais de courte durée, car en 2004, le Ministère des Affaires Etrangères, absorbant celui de la Coopération, change de couleur politique et, malgré les promesses réitérées et après bien des tergiversations, décide de couper la ligne budgétaire de la prévention des conflits. Une période particulièrement délicate s’en suit pour Cap Paix qui se voit ainsi privée de tout subside. En 2004 – 2005, le conseil d’administration n’est plus composé que de Monique Misenga, présidente, Léandre Simbananiye, secrétaire, Philomène Waka, Any Reiland, Jean-Baptiste Ndikuriyo, Pascal Kakana et moi.

Malgré un important travail de recherche d’alternatives, le conseil d’administration se voit forcé de proposer à l’assemblée générale la liquidation de l’association. Et c’est le 7 octobre 2005 que celle-ci décide la liquidation de l’asbl Cap Paix. Sur le moment, nous avons vécu cette issue un peu comme un échec. Jusque-là, le fait d’obtenir de l’argent de l’Etat, c’est-à-dire de récupérer une partie de l’argent que nous lui versons en tant que citoyens, pour développer un projet de Paix voué à la prévention des conflits, présente un aspect exaltant sous une forme qui démontre clairement « qu’un autre monde est possible ». La suite des événements ayant amené le gouvernement belge à utiliser plutôt l’argent des citoyens pour soutenir différentes guerres dans le sud pourrait nous faire sombrer dans l’amertume, la tristesse ou la révolte. Cependant, il faut aussi considérer qu’au-delà de cette tragique politique extérieure de la Belgique, il reste qu’aujourd’hui bien des personnes, ayant participé aux activités de ce projet de Paix, continuent ce travail aussi bien ici que dans le sud. Certains projets se sont en effet développés de façon autonome et nous sommes toujours ravis d’en apprendre les développements. Ils nous montrent aujourd’hui que, derrière les apparences, « un autre monde émerge petit à petit ».

La sociocratie et l’Association pour la CNV

Depuis 2005, après une formation avec Gilles Charest (cf. Gilles Charest, La démocratie se meurt, vive la sociocratie !, éd. Esserci, Reggio Emilia, 2007) et Ghislaine Cimon, formateurs québecois à la sociocratie, l’organisation de la CNV tente d’incorporer cette approche dans son fonctionnement. Aujourd’hui, si en pratique, le système d’information mutuelle par les doubles liens ne peut fonctionner avec des cercles qui ne se réunissent pas à un rythme fréquent et de façon coordonnés, par contre la prise de décision dite « par consentement » est appliquée quelquefois avec un certain bonheur. Cependant l’organisation par cercles a débouché dans notre pays en 2010 par la constitution d’une asbl prenant le nom d’Association pour la Communication Nonviolente – Belgique Francophone (ACNV-BF). C’est elle qui organise cette année, le 1er mai a Louvain La Neuve, la fête du XXe anniversaire de la CNV en Belgique.

Perspectives

La Communication Nonviolente est intimement liée à son fondateur Marshall Rosenberg. Aussi, même si nous souhaitons qu’il reste encore longtemps avec nous, on peut se poser la question de savoir comment les choses vont se passer après lui. En fait, cette question est déjà sur la table depuis qu’à la fin de l’année 2011, Marshall a démissionné du Conseil d’Administration du CNVC [Center for NonViolent Communication]. Aujourd’hui, les discussions ont mené à un accord concernant « la propriété intellectuelle » dans lequel, d’une part, Marshall garde les droits sur toutes les publications qu’il possède et, d’autre part, donne un aval au CNVC pour qu’il puisse continuer à diffuser la Communication Nonviolente dans l’avenir. Souhaitons que cet accord ouvre une nouvelle étape de développement harmonieux et de co-création de l’organisation de la Communication Nonviolente pour un monde de Paix…

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