Critique de l’info : l’outil ultime !

Nous avons le plaisir de vous informer du lancement de l’outil « Critique de l’info : l’outil ultime », cocréé par l’Université de Paix et Action Médias Jeunes : https://www.universitedepaix.org/critique-de-linformation-loutil-ultime/

Cet ouvrage est l’aboutissement de plusieurs mois de travail avec Action Médias Jeunes asbl et Université de Paix asbl.

Il s’agit d’un outil pour développer son esprit critique face à l’information, à destination des élèves du fin du secondaire.

Comment débusquer les fake news ? Comment enquêter en ligne ? Comment déjouer les arguments fallacieux ? Comment s’informer pertinemment en tenant compte des algorithmes et des formats sur le web / de l’économie des médias ? Comment débattre de manière constructive sur les médias sociaux ?

Cet « outil ultime » est le résultat d’une collaboration collective d’envergure.

L’outil se compose entre autres d’un site internet avec des PDF téléchargeables, de capsules vidéo, d’activités pédagogiques « clé sur porte » (testées et évaluées sur le terrain) et de dossiers pour les enseignants.

Le tout est accessible gratuitement et est directement mobilisable en classe : https://acmj.be/outilultime/

Cet outil a été développé par Action Médias Jeunes et l’Université de Paix avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin et de la Loterie Nationale.

5 parcours / thèmes sont proposés :

1- Capacités d’enquête en ligne

2- Arguments fallacieux

3- Formats et économie des médias

4- Algorithmes

5- Dialogue en ligne

A l’occasion de la sortie de cet outil, nous vous proposons ici de découvrir ici quelques éléments du parcours « Dialogue en ligne », mêlant directement la gestion des conflits à la question de l’esprit critique par rapport à l’information !

Pour en savoir plus, rendez-vous sur : https://acmj.be/outilultime/ !

Pourquoi lier la capacité à s’informer à la notion de conflit ?

Les fake news (fausses actualités) poseraient-elle problème s’il n’y avait personne pour y croire, pour s’en indigner ou pour les relayer ? Par cette question, nous soulignons l’importance de l’implication de la subjectivité humaine autour des messages et discours médiatiques.

Une question fondamentale quant aux fake news concerne le « pouvoir d’adhésion » et de persuasion dont elles s’accompagnent. Certaines personnes sont prêtes à se battre pour leurs croyances. Or, les raisons d’adhérer à une information ne sont pas toutes rationnelles. Les fausses nouvelles et autres rumeurs semblent d’ailleurs circuler plus rapidement et en plus grande quantité que les informations vérifiées. Dès lors, comment lutter efficacement contre la prolifération du faux ?

En tant que tels, les jugements sur le monde sont « neutres », au sens qu’ils ne sont pas « bons » ou « mauvais ». En éducation aux médias et à l’Université de Paix, un postulat est que le développement de l’esprit critique peut permettre d’émanciper les citoyens, c’est-à-dire de leur permettre de « mieux » exercer leur liberté, de poser des actes plus conscients, plus éclairés. Cet esprit critique, justement, n’est pas lié seulement à des « savoirs » ou des « savoir-faire » mécaniques, mais c’est aussi une disposition d’esprit, un ensemble d’attitudes et une ouverture curieuse, réflexive et respectueuse au monde et à autrui. Elle implique de pouvoir « se mettre à la place d’autrui » et de considérer une pluralité de perspectives.

Comment débriefer une activité ayant des composantes relationnelles ?

Nous proposons des questions typiques à poser après une activité ayant des composantes relationnelles :

  • Était-ce facile ou difficile ? Agréable ou désagréable ? Comment vous êtes-vous senti ?

Ce type de question permet de lancer une discussion à propos des ressentis, des émotions, et éventuellement des opinions des élèves.

  • Quelles bonnes pratiques retirez-vous ? Qu’est-ce qui vous a semblé approprié / efficace / constructif ou non ?

Ce questionnement permet quant à lui de transposer des pistes d’actions dans des situations similaires. Il s’agit de faire des liens au niveau comportemental. Sous questions possibles :

  1. Quelles difficultés avez-vous éprouvées ? Comment y avez-vous fait face ? (stratégies)
  2. Quels avantages / inconvénients pour tel ou tel comportement ?
  3. Quelles conséquences de telle ou telle action ?
  4. Qui a changé d’avis ? Pour quelles raisons ? Qu’est-ce qui a été constructif ?
  • Qu’avez-vous appris ?

Cette interrogation se centre sur la dimension cognitive de l’activité. Quelles ressemblances / différences avec d’autres situation ? Quels étaient les points d’accord / de désaccord ?

Exemple : Quels liens entre débat en ligne et débat hors ligne ? Quelles différences avec l’oral ?

  • Questions de décentration : le but de ces questions vise à solliciter un changement de perspective chez l’apprenant.

Que pensez-vous que tel autre élève pense ou pourrait penser ? (cognition)

Comment imaginez-vous que vous vous sentiriez à la place de tel personnage ? (émotion)

Qu’auriez-vous fait à la place de telle personne ? (comportements)

Comment discuter de manière constructive ? – Les attitudes en conflit selon le TKI

Le « TKI » [1] est un outil d’analyse des attitudes en conflit, baptisé selon le nom de ses auteurs, Thomas et Kilmann.

Par cet outil, les auteurs distinguent cinq grandes attitudes typiques qu’un individu peut adopter en fonction de deux critères lorsque cet individu est confronté à un désaccord avec une autre personne :

  • Le degré de prise en compte de son objectif propre
  • Le degré de prise en compte de l’objectif de l’autre (partenaire ou adversaire, selon les cas).

Dans le cas d’un débat, cet individu pourra donc distinguer deux axes : « degré de prise en compte de mon objectif (mon point de vue[2]) » – « degré de prise en compte de l’objectif de l’autre (le point de vue de l’autre) ».

En fonction de ces deux axes, les cinq attitudes identifiées sont : la compétition, la coopération (ou collaboration), l’accommodation, le repli et le compromis.

Le compromis se situe quant à lui au centre des deux axes : il s’agit généralement d’une prise en compte partielle des points de vue des deux parties.

Une même attitude, différents comportements

La compétition se caractérise par le fait d’accorder beaucoup d’importance à son ou ses objectifs propres, à son propre point de vue.

Cela peut se traduire par plusieurs comportements : se fâcher et le dire / affirmer son désaccord, critiquer, insulter, se moquer, reprocher, convaincre, séduire, manipuler, argumenter sans écouter, justifier sa perspective…

L’accommodation accorde quant à elle beaucoup d’importance aux objectifs de l’autre partie, à son ou ses points de vue.

Cela peut se traduire par différents actes : donner raison à l’autre / s’y rallier, se tempérer par peur de la réaction de l’autre, s’écraser, ou encore par une écoute inconditionnelle sans s’exprimer soi-même.

La collaboration reflète le fait d’accorder une grande importance aux objectifs de l’un et de l’autre, à tous les points de vue en présence. En termes de comportements, cela peut prendre plusieurs formes également : essayer de construire ensemble une vision commune, poser des questions et écouter tout en affirmant / reformulant / complétant les propos de l’autre, émettre des propositions ouvertes…

Le repli, qui se caractérise par une prise en compte minimale des objectifs de chacun, peut s’observer dans plusieurs comportements : changer de sujet, se taire, arrêter l’échange…

Le compromis, enfin, s’observe souvent dans les attitudes où les partenaires d’une discussion « mettent de l’eau dans leur vin » et concèdent certains points à l’autre tout en réaffirmant une opposition.

Identifier les attitudes et reconnaitre leurs avantages et inconvénients

Un grand enseignement de cette typologie des attitudes est qu’il n’existe aucune attitude qui soit absolument meilleure que les autres, en toutes circonstances. En fait, toutes ces attitudes sont plus ou moins appropriées en fonction des circonstances.

Ainsi, la coopération peut intuitivement nous sembler « globalement préférable », mais il existe des cas où elle n’est pas souhaitable, voire impossible. Par exemple, lorsqu’il faut décider en urgence (il n’y a pas le temps de discuter des heures), quand un partenaire de la discussion n’a pas un point de vue très affirmé (il pourrait volontiers s’accommoder, sans frustration) ou quand il s’agit d’argumenter un point de vue qui nous tient extrêmement à cœur (une attitude de compétition peut alors être plus appropriée). De même, la coopération implique d’être au moins deux à vouloir coopérer : si l’autre nous perçoit comme un ennemi à abattre, nous avons tout intérêt à nous protéger, peut-être même à nous replier en fuyant toute discussion ou en changeant de sujet.

La compétition, comme nous l’avons vu, n’est pas toujours « mauvaise ». Elle ne se manifeste d’ailleurs pas que par des comportements « agressifs » (imposer son point de vue par la force). Argumenter calmement en faveur de son point de vue, faire valoir ses droits, affirmer ses positions : cela correspond à des formes d’attitude « compétitive ». Rien n’empêche par la suite d’adopter d’autres attitudes. Les comportements compétitifs peuvent être très « doux » : ce n’est pas nécessairement parce qu’une personne s’exprime de façon posée et polie qu’elle n’adopte pas une attitude compétitive au sens du TKI. Des comportements de séduction, de manipulation ou autre sont également compétitifs : ce qui compte, c’est son objectif propre, pas ce que l’autre veut ou pense.

L’accommodation peut également être appropriée. En effet, si l’autre nous convainc par ses arguments, ou que nous considérons que notre point de vue ne nous importe pas tant que cela, ou encore tout simplement parfois par souci de préserver la relation avec l’autre, nous pouvons lui donner raison. A contrario, l’accommodation peut parfois être frustrante.

Le repli, quant à lui, peut être perçu comme non souhaitable dans l’absolu. Personne n’en ressort « gagnant ». Néanmoins, dans certains cas, par exemple quand la charge émotionnelle d’un débat est trop forte, cela peut être une bonne solution temporaire. Il s’agit par exemple de postposer la discussion. Aussi, pour des débats que l’on estime « futiles », cela vaut-il vraiment la peine de se faire du souci ? Autant changer de sujet, voire faire une blague qui n’a rien à voir. Cette attitude n’est en revanche pas avantageuse sur le long terme, de manière systématique, et ce d’autant plus si les objectifs des parties en présence se révèlent finalement importants.

A retenir

– Compétition : l’individu accorde toute l’importance à son propre point de vue

– Accommodation : l’individu accorde toute l’importance au point de vue de l’autre

– Repli : l’individu n’accorde aucune importance à aucun point de vue

– Collaboration : l’individu accorde de l’importance à son propre point de vue et à celui de l’autre

– Compromis : l’individu accorde partiellement de l’importance à son propre point de vue et à celui de l’autre

Comment aborder ce sujet avec les élèves ?

En résumé, nous pouvons catégoriser nos comportements lors d’un désaccord en fonction d’une part du degré de prise en compte de notre objectif propre (ou notre point de vue) et d’autre part du degré de prise en compte de l’objectif de l’autre (ou le point de vue de l’autre).

L’intérêt de cet outil d’analyse consiste à identifier les attitudes des différentes parties d’un désaccord et le caractère approprié ou non de ces attitudes, les effets de ces attitudes sur la situation spécifique.

Nous encourageons à utiliser cette grille de deux manières :

  • En tant qu’outil d’analyse des différentes postures dans un débat, afin de développer les capacités des apprenants à identifier les différentes attitudes et à en percevoir les forces et les limites
  • En tant qu’outil réflexif, dans un second temps, c’est-à-dire en tant qu’outil leur permettant de situer leurs propres attitudes préférentielles en situation de débats. Ceci vise à leur faire prendre conscience de leurs propres tendances relationnelles, et de leurs avantages et inconvénients.

[1] Thomas, K. W., and Kilmann, R. H. The Thomas-Kilmann Conflict Mode Instrument, 1974.

[2] Nous nous autorisons à étendre le modèle à la prise en compte non seulement des objectifs des personnes en désaccord, mais aussi des points de vue de ces personnes.