Fiche de lecture de l’ouvrage Conflit conjugal et Médiation (1998), de Louis Genet, par Jean-François Lecocq.

Article paru initialement dans le trimestriel n°76, en 2001.

Inscrit depuis plus de vingt ans au barreau de Liège comme avocat, Louis Genet connaît bien l’ampleur des séquelles charriées par la « judiciarisation » des conflits, en particulier en matière familiale. Très tôt, sa réflexion l’a mené à collaborer à la mise en place de la première École de Médiation en Belgique qui est devenue par la suite, la Section de Médiation du Centre de Promotion Sociale pour Éducateurs (Liège) où il enseigne le droit aux futurs médiateurs. Il est également l’un des fondateurs du Centre de Recherche de Médiation.

Je recommande sans réserve la lecture de ce livre où la réflexion lucide sur la médiation est rejointe ça et là par le témoignage personnel de son auteur. L’analyse des rôles du médiateur et du juriste est particulièrement fouillée. La pertinence des nuances que Louis Genet apporte dans son analyse n’a d’égal que l’authenticité dont il fait preuve dans la relation de son expérience « d’avocat-médiateur ». C’est ainsi qu’analysant les causes de l’échec d’une médiation il écrit :

« Les « médieurs » s’adressaient à moi non comme « aide à la communication », non comme tiers favorisant leur dialogue mais uniquement comme « personne supposée savoir » ce qui était la solution à leurs différends. (…) La méprise avait été chez chacun de croire à une médiation, alors qu’il s’agissait d’une consultation, transmission d’un savoir que je détenais, d’une conciliation, tentative de ma part de les convaincre que la solution que j’avancerais serait raisonnable, voire d’un arbitrage dans lequel j’indiquais ce que disait le droit appliqué à la situation qu’ils me soumettaient. Mais de médiation évidemment pas, dans la mesure où il était impossible de leur faire échanger autrement les arguments qu’ils s’étaient adressés mille fois pour tenter de se convaincre. Il était uniquement question de me convaincre que le chiffre que chacun avançait était juridiquement le meilleur. (…) Je sus alors en les quittant que je ne ferais plus de médiation en ma qualité d’avocat : qu’à l’instar des stages de psychanalyse que je ne pouvais mener que si ma qualité d’avocat était inconnue de l’analysant, la présomption de connaissances techniques dont cette qualité de juriste me crédite, me disqualifie du même coup comme candide, comme cette sorte de lien dans un espace-temps qui restaure le dialogue sous la condition d’un effacement de soi-même pour laisser entière place aux médieurs » (pages 70 et 71).

Ce regard lucide sur sa pratique d’avocat-médiateur lui permet de tirer d’utiles remarques comme celle-ci :

« Les tentatives des Ordres professionnels pour permettre aux avocats de se « positionner »sur le marché de la médiation consiste à leur apprendre un métier. Je n’y vois aucune objection – que du contraire vu mon éthique « militante » en faveur du « client » – mais pour autant que cela soit dit, reconnu, conçu et organisé comme deux métiers différents. On est loin du compte » (page 91).

Mais le regard critique de l’auteur n’est jamais absent de compassion pour les différents acteurs du conflit. Aussi que l’on soit médiateur, juriste, thérapeute ou simplement curieux de nouvelles méthodes de gestion de conflit dans notre société, ce livre nous aide à mieux percevoir les enjeux profondément humains de la médiation.