3 jours de formation à la gestion de conflit pour les Equipes populaires

Les 26, 27 et 28 février 2013, 25 permanents de la Fédération des Equipes Populaires ont suivi une formation « sur mesure » à la gestion des conflits.

La Fédération des Équipes Populaires rassemble différentes antennes provinciales. Organisme d’éducation permanente, elle agit pour tâcher de réduire les fractures sociales et les inégalités. Pour ce faire, elle organise notamment des actions de sensibilisation, mais aussi des animations auprès de certains publics défavorisés.

Les attentes des participants étaient multiples. Plusieurs souhaitaient obtenir des outils de communication concrets afin de faire face à des situations « difficiles », notamment face à un public dont les réactions sont parfois « imprévisibles » (assuétudes, précarité et marginalisation…). Au-delà de la question des rapports interindividuels, il s’agit également de dynamique de groupe. En lien avec ce thème, plusieurs s’interrogeaient sur les limites et contours de leur intervention, sur le cadre à poser, mais aussi sur la prise de distance au niveau des émotions : « Comment intervenir et poser le cadre sans se laisser « envahir » par ce qui se passe ? ». Enfin, ces trois jours représentaient pour les Equipes Populaires une manière de se retrouver et de partager un moment agréable et ludique.

La préparation de cette formation était forcément frustrante : face à de telles attentes, il a fallu faire des choix, parfois cornéliens. Il m’est apparu intéressant de traiter de vivre ensemble et de coopération. D’ailleurs, les outils sélectionnés sont utiles également pour cette sorte de « team-building » à laquelle les Equipes voulaient se livrer. Il me semblait pertinent d’aborder également le thème des règles et sanctions dans un groupe. Suite à des échanges d’idées avec Pierre Schoemacker (co-formateur pour ces trois journées) et au vu du programme, nous avons finalement laissé cette question de côté. Pierre, dont l’outil de prédilection est la Communication Nonviolente (CNV), souhaitait que nous traitions des apports de cette discipline et des liens entre celle-ci et les autres apports, théoriques et de terrain. La thématique des émotions et celle de l’écoute active, qui me semblaient importantes, ont donc plutôt été abordées par ce prisme. Enfin, nous nous sommes mis d’accord pour fournir des bases pour comprendre le conflit aux participants. En somme, il s’agissait de parcourir un peu les quatre rouages de l’Université de Paix : vivre-ensemble (exercices de coopération, team-building, échanges et dynamique de groupe), comprendre (croyances et attitudes en conflit), communiquer (écouter et s’exprimer, ici sur base de la CNV) et enfin agir (négocier et interragir sur base des outils proposés).

La première journée a été l’occasion de confirmer la multiplicité des attentes. Entre les « petits nouveaux » et les plus anciens, entre les habitués des formations et les autres, entre les animateurs et les membres du staff administratif ou encore entre ceux qui étaient là pour se nourrir de nombreuses techniques de communication et ceux qui souhaitaient davantage passer trois jours de détente auprès de leurs collègues, il y avait un large panel d’objectifs individuels, plus ou moins conscients.

Cette journée était davantage centrée sur le vivre-ensemble, avec cette question qui nous a servi de fil rouge à Pierre et à moi : qu’est-ce qui me convient ? Qu’est-ce qui ne me convient pas ? En quoi cela me renvoie-t-il à moi ? L’idée, c’est que si une situation génère chez moi de la frustration, il est intéressant d’en prendre conscience, que ce soit en termes d’émotions et/ou de besoins. Ainsi, même dans les activités plus ludiques, d’échanges pour apprendre à mieux se connaître, les participants étaient invités à transposer ces outils à leurs réalités de terrain.

Dans l’après-midi, les croyances et attitudes par rapport au conflit ont été abordées : quelles sont les croyances et attitudes typiques ? Dans quelles situations sont-elles plus ou moins adéquates ? Là encore, il s’agissait davantage de se poser la question en première personne : qu’est-ce qui me convient quand je suis en conflit ? Quelles sont mes croyances et en quoi favorisent-elles ou limitent-elles mon action ?

En fin de chaque journée de formation, un débriefing était proposé. D’une part, c’est l’occasion pour les participants de s’exprimer. D’autre part, pour les formateurs, c’est un moment d’auto-évaluation qui peut permettre de s’ajuster aux attentes. Certains ont trouvé qu’il y avait trop de place laissée à l’expression de chacun. D’autres ont estimé le contraire. En termes de dynamique de groupe, c’est très intéressant : comment jongler avec un ensemble de sensibilités différentes ? De plus, il était utile de renvoyer la question aux participants : pourquoi certaines éventuelles frustrations n’ont-elles pas été exprimées sachant que nous invitions à prendre la parole durant les pauses ou lors d’un débriefing d’activité ? L’enjeu était double : cette discussion concernait notre manière de procéder collectivement durant ces trois jours, tout en renvoyant à une méthodologie de répartition de la parole et de prise de décision en groupe. Une manière de « lâcher prise » tout en fixant un cadre qui ait plus de chance d’être respecté est au final de renvoyer le groupe à ce qu’il veut et ce qu’il exprime ou pas en conséquence, d’autant plus lorsqu’il est question d’adultes, et a fortiori quand ceux-ci sont demandeurs.

Pierre et moi avons proposé de diminuer le temps consacré aux feedbacks en grand groupe en nous limitant à quatre ou cinq retours après chaque activité, ce qui n’a pas suscité d’objection. Par ailleurs, nous avons souligné que les deux journées suivantes seraient consacrées à davantage d’activités de communication et de mises en situations, ce premier jour étant basé essentiellement sur la mise en place d’une dynamique constructive et sur l’application de grilles de compréhension.

La seconde journée a été une journée de transition entre le pôle « comprendre » et ceux du « communiquer » et de l’« agir ». Ce moment a été rythmé par davantage de petits jeux pour mettre en pratique et réfléchir sur base des apports de la journée précédente.

Enfin, le troisième jour a permis une initiation aux logiques de la CNV. Les participants ont souhaité que cette journée concerne davantage de mises en situations, et donc de travailler sur base de leurs réalités de terrain. Ces situations étaient la plupart du temps complexes et chargées en émotions : il ne s’agissait pas pour nous de prétendre les résoudre d’un coup de baguette magique.

Cependant, les jouer a permis de prendre une réflexion les concernant, tout en appliquant les outils d’écoute et d’expression des émotions et des besoins (écoute active, distinction entre faits et jugements…). Ainsi, Pierre n’a pas hésité, face à une personne ivre qui adopte des comportements potentiellement destructeurs, à simplement lui dire qu’il était inquiet, soucieux, et qu’il avait besoin de sécurité par rapport au fait de le laisser là, seul, alors qu’il semblait énervé. Il a également reformulé l’autre, tâchant d’entendre sa colère, sa tristesse ou encore sa frustration. Il n’a pas pour autant perdu de vue son objectif d’aller chercher sa fille à l’école et s’est montré ferme.

Pour celui qui a partagé cette situation au groupe, cela n’a pas apporté de solution « toute faite ». Celle-ci revêt en effet de nombreux « nœuds » qui font que ce n’est pas en cinq minutes qu’on la règle, à long terme. Cependant, il a été soulevé que quand lui-même l’a vécue, il était pris aussi par des émotions fortes. Après l’incident, il a d’ailleurs téléphoné tout de suite à l’un de ses collègues : s’il avait bien tâché de comprendre l’autre et son besoin, il se trouve que lui aussi avait besoin d’écoute. Préoccupé par sa fille, il aurait souhaité venir en aide à la personne, mais était dans l’urgence. Au final, Pierre « s’est contenté » d’exprimer honnêtement / sincèrement ce ressenti et les besoins qui y étaient liés, tout en essayant d’entendre et de redire ceux de l’autre.

Les participants ont exprimé des retours globalement positifs par rapport à cette troisième journée. Certains ont souligné le cadre et les activités ludiques permettant de mieux se connaître et de s’exprimer en sécurité. La plupart ont pointé l’intérêt de partir de situations vécues et de voir les outils « en action » et ont apprécié que les formateurs montrent comment les appliquer concrètement, sans que cela ne paraisse artificiel. La variété des contenus et l’adaptation de ceux-ci par rapport aux demandes ont également été remarquées.

Plusieurs sont enfin revenus sur les règles que nous avions fixées ensemble. L’une déclare : « j’étais satisfaite, mais en ce qui me concerne, je préférais quand on prenait le temps, que nous allions moins vite… ». D’autres ont émis des avis contraires par rapport à ce choix.

Cette réflexion est en lien avec notre propre débriefing, à Pierre et à moi : « pour notre part, en tant que formateurs face à des participants qui doivent animer des groupes, ce type de retour est très porteur, parce qu’il met en évidence les différences entre personnes et leurs attentes. Il peut s’avérer difficile de toutes les satisfaire en même temps. C’est donc en variant les rythmes, les pédagogies et en ouvrant l’espace démocratique autant que possible que nous pouvons tâcher d’avancer ensemble. Vous-mêmes, vous pouvez repartir avec cela : si une frustration n’est pas exprimée alors qu’un espace est prévu à cet effet, ce n’est pas de votre responsabilité. De même, vous pouvez vous demander ce qui a favorisé ou non l’expression de telles frustrations ».