Par Julien Lecomte

Préparer, animer et évaluer des modules de formation ou d’animation constituent les tâches quotidiennes des formatrices et formateurs de l’Université de Paix asbl.

Pour rendre une formation efficace, dynamique, agréable et favoriser les apprentissages, plusieurs paramètres sont à prendre en compte : le public (les apprenants), les objectifs pédagogiques et enfin le contexte d’intervention (notamment matériel) et les dispositifs qui peuvent en découler.

Dès lors que l’un de ces éléments change, il est périlleux de faire « comme on faisait avant ».

En effet, selon que la formation s’adresse à un public d’éducatrices et éducateurs volontaires ou à un public de puéricultrices, ou encore à des adultes présents en formation pour leur développement individuel, un même thème sera abordé dans des formats très différents.

De même, un module de formation sur la méditation de pleine conscience ne se déroule pas comme un module de pratique de négociation !

Dès lors, quand les conditions matérielles d’intervention changent (passage en distanciel), il est important de repenser la méthodologie de formation, tant au niveau des contenus, des formats que des relations d’apprentissage. Si certaines activités peuvent être transposées telles quelles au format « écrans », la plupart des autres doivent être reformatées et adaptées. Ce travail n’est pas uniquement technologique, au contraire : il est avant tout d’ordre pédagogique !

Concrètement, quelques exemples concrets d’ordre didactique avant d’être techniques :

  • Afin de favoriser l’attention des participantes et participants, à distance, il peut être judicieux de réduire les temps d’exposés ou de parole collective en séance plénière, au profit d’exercices ou d’échanges en sous-groupes, par exemple ;
  • Afin de stimuler des canaux sensoriels et des expériences qui ont du sens, il peut être intéressant d’imaginer des méthodes pour susciter du mouvement chez les participantes et participants ;
  • Afin de favoriser la cohésion de groupe, il peut être intéressant d’avoir recours à des jeux collectifs, même par écrans interposés ;
  • Afin de maintenir l’énergie du groupe, il convient de repenser les rythmes et le rapport au temps : modifier les horaires, prévoir davantage de pauses, prévoir des activités plus nombreuses mais plus courtes et plus variées ;
  • Etc.

A l’Université de Paix, nous ne cessons de nous professionnaliser en termes de pédagogie (et/ou andragogie, terme qui correspond davantage à la formation pour adultes).

La réflexivité est permanente dans notre pratique.

Ces innovations ont d’ailleurs donné naissance en 2019 à notre Brevet de formateurs, visant à maximiser les compétences pour transmettre et partager les outils, techniques et idées pour prévenir la violence, gérer les conflits et mieux communiquer.

Des points d’attention

En présentiel comme en distanciel, il convient de diversifier les méthodes et les approches (cf. cette réflexion). Chaque méthode pédagogique a une pertinence et des limites en fonction du public-cible, de nos propres tendances et préférences, du contexte, etc. Il convient aussi de varier les choix méthodologiques afin d’éviter un sentiment de monotonie. Combiner les méthodes, c’est donner du dynamisme à votre formation !

Les apprenants peuvent aussi être susceptibles de préférer des approches plutôt que d’autres. Quels sont leurs prérequis ? Quelles sont leurs difficultés ? Quelles sont leurs motivations ? Quels sont leurs défis, leurs objectifs ? Quelles sont leurs connaissances initiales ? A quelles méthodes sont-ils habitués ?

De plus, en tant que formateurs et formatrices, nous avons toutes et tous nos propres « styles ». Il est utile d’être au clair avec nos propres forces, nos qualités, mais aussi nos « angles morts ». A quoi sommes-nous attentifs ? Quelles sont nos préférences ? Quel est notre propre rapport aux écrans ? Comment préférons-nous apprendre, lorsque nous sommes dans la posture des apprenants ? Par quels canaux sensoriels ? Comment pallier certains manques en distanciel ? Certaines personnes de l’Université de Paix ont dû se familiariser notamment avec des technologies desquelles elles n’étaient pas friandes a priori…

Enfin, il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ! Définir des objectifs pédagogiques est une condition sine qua non pour pouvoir concevoir un dispositif pédagogique qui tient la route, et pour ensuite pouvoir en évaluer les résultats. Que voulons-nous que les apprenants apprennent ? Quels savoirs ? Quels savoir-faire ? Quels savoir-être ?

C’est seulement en fonction de ces éléments que nous allons mesurer la pertinence de tel ou tel « gadget » technologique ! Le choix du médiateur pédagogique (le support, l’objet, la manière de présenter ou recueillir l’information) est tributaire de tout ce qui précède !

Encadrer les prises de parole pour éviter les effets de lassitude

Le cadrage des prises de parole est une affaire d’animation et de « feeling » qui dépend de l’énergie du groupe, du temps disponible ou encore de la nécessité ou non d’approfondir un débriefing. Il peut être judicieux d’organiser ses premières préparations en allant jusqu’à imaginer différents types de débriefing.

Encadrer le nombre de personnes qui s’expriment / le nombre d’interventions :

  • Tour de table systématique : tout le monde s’exprime une fois
  • Prise de parole libre non-cadrée : tout le monde peut s’exprimer, une fois ou plus
  • X retours/interventions maximum : seules X personnes pourront s’exprimer et/ou X interventions autorisées

Encadrer la nature des interventions :

  • Consigne de ne pas redire une chose qui a été dite auparavant (le manifester autrement, par un geste, par exemple)
  • Les interventions se font en un mot ou en une phrase maximum

Selon les activités et les dispositifs, l’allumage et l’extinction des micros, les possibilités de chatter par écrit ou autres ont été investiguées.

Garder ses objectifs pédagogiques en vue

Les objectifs pédagogiques prennent en compte un ensemble de dimensions :

  • Le public-cible : à qui s’adresse-t-on ? Le public est-il demandeur ? Est-il motivé ? Est-il débutant, novice, avancé ?
  • Le contexte d’intervention : combien de temps va durer la formation ? Quelles sont les conditions matérielles, d’espace et de temps ?
  • La problématique / la demande / les thèmes identifiés : qu’est-ce qui pose problème ? A quoi faut-il apporter des réponses ?

La clarification d’une demande d’intervention ou d’une problématique fait partie des étapes cruciales pour orienter la préparation d’une formation. Une intervention mal cernée peut mener à elle seule à une préparation « à côté de la plaque ».

Avant de savoir si un outil de brainstorming en ligne, une mindmap ou un document numérique collaboratif sont de bons médiateurs, il est important d’être bien au clair avec ce que l’on souhaite en faire ! Que voulons-nous que les participants apprennent et expérimentent ?

Sélectionner et varier les méthodologies

(Source : Romainville, cité ici, ainsi que cet excellent site)

Un des défis majeurs pour les formateurs dans la construction et l’animation d’un dispositif de formation est celui de la gestion du rapport au temps vécu par les participants. Afin de rendre une formation fluide, il convient d’être sans cesse attentive et attentif à l’énergie du groupe et à l’adéquation entre les méthodes utilisées et les intentions pédagogiques.

Il existe trois types de méthodes pédagogiques

  • Expositive / transmissive / magistrale : la formatrice / le formateur transmet les contenus. La logique est descendante. Cette méthode est appropriée quand le contenu n’entre pas trop en contradiction avec les représentations préalables des apprenants (pas besoin de conflit cognitif) et/ou que les apprenants sont habitués à ce type de dispositif.
  • Active : tout apprentissage nécessite l’activité des apprenants, même lorsque ceux-ci sont en posture d’écoute. Toutefois, on appelle les méthodes « actives » celles où les apprenants sont amenés à découvrir par eux-mêmes les savoirs, à travers une activité ou une production, par exemple. L’enseignant ne fait qu’accompagner le cheminement vers le savoir. Ce type de méthode est intéressant lorsque les apprenants sont capables et ont besoin d’expérimenter par eux-mêmes une notion, un concept ou une technique, par exemple.
  • Interrogative / maïeutique : comme Socrate, le formateur est ici dans une posture de questionnement des apprenants. Cette posture est utilisée notamment durant les débriefings.

Nous listons aussi quatre grands types de démarches didactiques :

  • Inductive : l’apprentissage se fait en partant d’un cas particulier, d’un exemple, d’une situation concrète. Les apprenants en infèrent la théorie, les explications ou les concepts. Exemple : distinguer différentes attitudes en conflits sur base de situations concrètes.
  • Déductive : l’apprentissage se fait en partant du général (la théorie, l’explication, la technique) vers le spécifique. Les apprenants appliquent la théorie, la pratiquent dans des mises en situations, procèdent à des études de cas sur base des contenus appris, etc. Exemple : analyser les attitudes en conflits dans une vidéo suite à la découverte d’une grille théorique…
  • Dialectique : l’apprentissage se fait ici par le dialogue, le débat, la contradiction. Il s’agit d’opposer les opinions, les avis, les thèses, afin de mieux les distinguer les unes des autres et d’en cerner les forces et les limites, par exemple. Exemple : faire un tableau comparant les différentes attitudes en conflits.
  • Analogique (transposition) : l’apprentissage se fait ici par l’analogie, c’est-à-dire la transposition ou l’emprunt à des situations similaires. Les métaphores permettent de favoriser une compréhension de concepts « abstraits » à l’aide de situations concrètes. Par exemple, « s’informer, c’est comme se nourrir : si on ne mange que de la nourriture low-cost et fast-food (désinformation Mc Do), on risque d’avoir une mauvaise santé. Que pourrait être un bon régime informationnel ? ». L’analogie est intéressante dans le cas de situations abstraites, difficiles à aborder au niveau du « sens sensations ». Elle peut toutefois aussi comporter des problèmes. Exemple : représenter les attitudes en conflits avec des animaux.

Enfin, en vrac, voici plusieurs techniques d’animation que nous épinglons (liste non-exhaustive) :

  • Exposé
  • Démonstration gestuelle
  • Expérience. Le formateur et/ou les apprenants expérimentent une situation. Exemples : réaction chimique, chute d’un objet…
  • Jeu de rôle
  • Etude de cas / analyse
  • Résolution de problème
  • Exercice d’application
  • Réalisation d’une production nécessitant la compétence / le savoir (« projet »)
  • Introspection / brainstorming

Varier les dispositifs et les médiateurs pédagogiques : les conditions matérielles

Le dispositif pédagogique fait référence aux dimensions d’espace et de temps d’une activité pédagogique. Nous le déclinons en sous-dimensions suivantes :

  • La durée de l’activité
  • La taille du groupe : seul, en binôme, en sous-groupe, en plénière…
  • La disposition spatiale des activités (exemples : disposition en U, avec ou sans tables…)

Le médiateur pédagogique, quant à lui, est le support utilisé lors de l’activité. Il peut être interne (par exemple : le langage verbal, non-verbal et para-verbal) ou externe (une fiche de jeu de rôle, une feuille d’exercice, une vidéo…).

Exemples de médiateurs pédagogiques :

  • Parole, langage non-verbal / gestes, démonstration physique…
  • Vidéo (extrait, documentaire, reportage, illustration…)
  • Dessin
  • Podcast, son…
  • Powerpoint, tableau, flipchart
  • Fiche d’activité, feuille d’exercice
  • Support écrit, syllabus
  • Affiche
  • Objets

A distance, peut-être davantage qu’en présentiel, il faut prévoir différentes manières de répartir les apprenants en sous-groupes. C’est un moyen de participer au dynamisme de la formation tout en leur permettant d’obtenir d’autres perspectives sur leurs situations. Le formateur peut donc imaginer différentes manières de faire avant son animation :

  • Mise en sous-groupe imposée : le formateur choisit (plus ou moins arbitrairement)
  • Mise en sous-groupes selon critère (exemple : selon l’ordre alphabétique)
  • Mise en sous-groupes aléatoire (par exemple, à l’aide d’un logiciel ou après un jeu qui les fait bouger dans l’espace)
  • Mise en sous-groupes choisie : les participants se choisissent
  • Mise en sous-groupe choisie avec contrainte : les participants se choisissent mais ne peuvent pas choisir n’importe qui (exemple : « pas quelqu’un avec qui vous venez de travailler »)