Silence, on communique ! Comment décoder le silence et quand est-il utile ?

Dérangeant, ressourçant, nécessaire, pesant… Nombreux sont les adjectifs qui peuvent accompagner le mot « silence ». Dans quelles situations se manifeste-t-il ? Comment faire pour interpréter celui de l’autre ? Comment l’utiliser de manière adéquate ?

Par Lucie Perleau, suite à son stage en Relations Publiques à l’Université de Paix.

Il arrive parfois que notre silence soit mal interprété : un collègue croit que ce qu’il me dit ne m’intéresse pas, alors que je n’ai juste rien à en dire et que je l’écoute attentivement. Un autre pense que je ne veux pas crever l’abcès et que je me replie alors que je n’ose pas prendre la parole. Que peut vouloir dire le silence ? Quand est-il opportun ?

Tout d’abord, le silence exprime parfois un repli, notamment lorsqu’une conversation est trop lourde émotionnellement ou qu’il persiste un désaccord entres les personnes et que les conditions ne sont pas réunies pour prendre une décision. Dans ce cas-là, il peut être utile de faire une pause dans l’échange verbal, pour évacuer la tension émotionnelle présente et laisser du temps pour penser à ce qui a été dit. Par contre, s’il est prolongé ou répété, la situation peut devenir problématique car il devient impossible de trouver une solution au conflit.

Le silence peut être celui d’une personne timide, qui n’ose pas émettre ses idées ou qui ne se permet pas de demander quelque chose par peur d’être en opposition avec son interlocuteur. Il peut être intéressant pour elle de développer son assertivité : elle va pouvoir exprimer sa requête sous forme d’une demande claire basée sur des faits concrets, ce qui ouvre le champ des réponses à son répondant. Il s’agit peut-être aussi d’une question d’estime de soi, et plus spécifiquement de confiance en soi, la personne n’osant pas s’affirmer et faire entendre son opinion.

Lorsque que l’on écoute attentivement une personne, être silencieux(se) permet d’accueillir ce qu’elle nous dit et peut favoriser sa compréhension, pour peu que nous accordions notre attention aussi à ce que la personne ne dit pas, à son non verbal. Cela lui permet aussi à l’interlocuteur de prendre la parole sans avoir la crainte d’être interrompu. Cette écoute peut être « passive » (très silencieuse), ou alors « active », avec une recherche de l’essentiel du message, suivie d’une reformulation de celui-ci. Notamment, quand la personne en face est sous tension et veut tout simplement « vider son sac », redire avec nos propres mots ce qu’elle vient de dire (parfois, ce qu’elle a montré, aussi, émotionnellement) lui montre l’intérêt que l’on porte à ses paroles et à ce qu’elle ressent.

Se taire peut aussi être un moyen pour mettre mal à l’aise, pour décontenancer, pour attirer l’attention et faire réagir. Par exemple, si je suis une personne habituellement bavarde, je peux décider de m’enfermer dans un mutisme, ce qui va provoquer un questionnement chez ceux qui m’entourent. Une réaction inattendue permet parfois de sortir d’une dynamique conflictuelle en escalade ou basée sur la manipulation.

Le silence est également une stratégie lorsque l’on utilise la technique du « poisson froid », qui consiste à compter mentalement jusqu’à 5 avant de répondre à un interlocuteur agressif, en gardant une posture droite. Il ne signifie pas être muet face à une attaque, mais il permet de s’accorder du temps pour réfléchir et laisser l’autre faire de même. Face à une personne manipulatrice, il peur décontenancer et envoie le message qu’il n’atteint pas sa cible. Ce silence consiste à dire à l’autre que je suis imperturbable, que j’esquive sa tentative de mise à mal.

Celui qui ne veut aucun contact peut via le mutisme avoir un impact sur ses relations avec les autres.  En effet, si j’ai envie que l’on me laisse tranquille, je vais arrêter de parler pour montrer aux autres que je ne veux pas être dérangé. Par contre, si à chaque fois je refuse que l’on rentre en relation avec moi, je pourrai être considéré comme désagréable ou même franchement asocial pour mon entourage.

Le silence exprime parfois le fait de n’avoir rien à dire, mais il ne doit pas être mal interprété. Il est donc préférable de poser une question hypothétique à la personne, car malgré des indicateurs corporels telles que la posture, les gestes ou encore les mimiques faciales qui peuvent me donner des pistes sur son humeur, il est risqué de  faire de conclusions hâtives sur celle-ci. Un simple cas : si mon interlocuteur fronce les sourcils en gardant le silence, il me donne l’impression d’être énervé, mais en le questionnant, il m’explique simplement qu’il est concentré sur ce que je dis.

Le silence peut aussi se présenter comme une opportunité de prendre conscience de ce qui nous entoure et d’observer cet environnement. Un exemple simple : prendre le temps de se taire lors d’une conversation entre amis permet de savourer le moment présent.

De plus, le silence peut être réciproque entre deux personnes qui n’ont pas besoin de mots pour se comprendre et communiquer. Comme le dit Paul Watzlawick, « on ne peut pas ne pas communiquer » : le corps et la relation parlent pour nous. Cela est particulièrement vrai pour les personnes ayant une connexion forte entre elles : elles peuvent faire une activité ensemble sans la parole et être coordonnées dans leurs mouvements, et elles savent anticiper les besoins et connaissent les attentes de l’autre.

En conclusion, toutes ces situations peuvent nous aider à déduire que le silence veut toujours exprimer quelque chose, puisqu’il est capable de donner des significations sans parole. Il ne doit pas être sous-estimé car il a un impact sur la communication. Certes, il peut être difficile à interpréter, et potentiellement inadapté à la situation (notamment face à quelqu’un qui ne dispose pas des « clés » pour le « décoder »), mais il est aussi très utile pour certaines personnes ou dans certains contextes.