Du 2 au 4 avril 2001, l’Université de Paix a proposé une session « Sur la trace des indiens… ».  Trois jours durant, 22 enfants âgés de 8 à 12 ans ont été amenés à développer la confiance en eux et en l’autre et à développer des attitudes et des valeurs nécessaires à la gestion de conflits.

Par Cathy Van Dorslaer, initialement publié dans le trimestriel n°75, en 2001.

Sur la trace des indiens…

Troisième et dernier jour du stage. Nous descendons vers le local après le repas. A notre arrivée, c’est la surprise… un de ces moments magiques que l’on garde en souvenir. Dans le coin lecture, couchés à plat ventre, des enfants sont plongés dans leurs livres. D’autres continuent à peindre leurs t-shirts, s’échangeant peintures et conseils . Quelques-uns entourent Cécile et Coralie qui répètent, à la guitare, la chanson de « Wakatanka ». Les plus petits, eux, font des aller-retour entre le local et le grand sapin où ils ont aménagé, au fil des jours, un super-mega-géant tipi.

Sans consignes ni directives, les enfants vivent un moment d’harmonie, de partage et de plaisir d’être ensemble. Notre objectif est atteint et nous en sommes heureuses, émues même.

Mais commençons par le commencement.

Pour accueillir nos 22 petits indiens et indiennes, nous -Cécile DENIS, Cécile DUPONT, Lysiane MOTTIAUX et Cathy VAN DORSLAER, formatrices à l’Université de Paix- avons préparé des jeux d’intérieur ou d’extérieur en rapport avec les indiens dans lesquels nous avons distillé des activités qui permettent d’installer rapidement la confiance et la coopération au sein du groupe. Le local qui nous accueille est spacieux et s’ouvre sur les bois. Nous y avons aménagé un coin lecture, avec des livres et des bandes dessinées relatives aux indiens, et une grande pile de «J’aime lire» qui auront un grand succès. A l’autre bout, le cercle de chaises qui accueillera les jeux coopératifs et les moments de gestion du groupe. Un peu partout, des tables et des chaises pour les bricolages prévus en petits groupes. Et tout autour, du soleil, des arbres, de l’espace !

Première heure ensemble. Les enfants sont assis en cercle, sagement. Ils ne se connaissent pas et chacun, à sa manière, manifeste sa crainte, ou sa joie, de se trouver dans un si grand groupe. Au fur et à mesure des jeux coopératifs, le rire s’installe, d’abord ; puis la découverte de l’autre, de son prénom, de son humour, de son tempérament, de ses hobbies.

La glace est rompue, chacun est rassuré, nous pouvons partir explorer nos terres… d’autant que c’est la première journée de soleil d’un printemps frileux et que, grands comme petits, nous avons envie d’en profiter. La tribu se met en marche en direction des étangs. Des petits groupes se forment déjà : les filles qui papotent; les grands qui prennent tous les raccourcis ; les amateurs de cailloux, de plumes, de bâtons…et derrière, les contemplatifs. Au hasard du chemin, un banc. Une chaise musicale coopérative s’improvise et c’est le succès : sans bousculade et dans un fou rire, tout le mode s’empile.

De retour au local, nous demandons aux enfants, en sous-groupes, de proposer des règles de vie qui permettront à chacun de se sentir en sécurité durant ces trois jours de stage. C’est sur base de ces propositions que différents moments de la vie du groupe pourront être gérés, négociés : vous pouvez aller dehors chercher du matériel mais dans des limites qui permettent aux animatrices de vous voir ; les bâtons ne peuvent pas être utilisés pour se battre ; tout le monde reste à table durant le repas et un temps libre est donné après pour jouer ; si j’ai un conflit avec un autre, je fais appel à une animatrice pour qu’elle m’aide à me faire entendre sans utiliser d’insulte ni de coup…

Le cadre a donc été mis en place. Il ne reste plus qu’à s’amuser ensemble, se rencontrer, faire appel à la créativité, aux talents artistiques. Et c’est bien ce qui va se passer, dans un brouhaha de galopades, de rires, de trouvailles, de taches de peinture, de boue, d’herbe.

Chaque enfant aura sans doute fait son hit-parade des activités menées mais il nous semble que c’est à belles dents que toutes les propositions ont été croquées. Pour témoin, Joaquim (9 ans), qui clôturait la première journée par un «Vivement demain! » qui ne s’est pas démenti par la suite. Qu’ont-ils fait qui suscite un tel enthousiasme ? Un totem, un village indien, un jeu de piste (indien bien sûr), un tee-shirt peint, une chanson… autant de moments où chacun a eu l’occasion de se découvrir un don, de collaborer avec l’autre, de s’entendre reconnaître par les autres une qualité.

Le totem, première activité de collaboration proposée, consistait en un savant empilage de caisses que les enfants ont décorées en sous-groupes : deux ou trois enfants se chargeant d’illustrer, sur une caisse, un thème qu’ils avaient choisi : la chasse, les costumes ou les fêtes des indiens, les chevaux,… Certains ont commencé très vite, s’échangeant les suggestions et le matériel sans problèmes. D’autres ont dû s’initier à la négociation. D’autres encore, qui n’avaient pas trop d’idées, se sont finalement découvert des capacités : si je suis maladroit avec un pinceau, je peux utiliser mes doigts ou la paume de mes mains ; s’il n’y a plus de peinture, les feuilles et les fleurs font encore mieux l’affaire. En fin de journée, le totem se dresse au milieu de la pièce, plus haut, plus coloré, plus beau qu’un vrai et les enfants commentent, admirent, s’expliquent l’un l’autre les astuces de fabrication.

Le lendemain, c’est un village indien qu’il s’agira de construire. Chaque enfant reçoit de la terre glaise et, mis en confiance par l’activité de la veille, se met à l’ouvrage. En se basant sur la documentation mise à leur disposition, ou sur leur inspiration du moment, ils élaborent des habitations indiennes, des décors, des animaux, des personnages ; pensent aux moindres détails, complètent avec de la mousse, des fleurs, des petits bois, des cailloux. Camille et son amie s’essayent même à une création aveugle : les yeux bandés, elles sculptent une même motte de terre.

Il y a aussi eu le jeu de piste. Un groupe accompagnera Cathy pour le tracer, trois autres groupes se lanceront à tour de rôle sur la piste des flèches en bois, en cailloux, des messages parfois trop bien cachés et des épreuves à remporter tous ensemble. Deux heures de cavalcades dans les bois, un ruisseau à traverser et une pente vraiment très raide à remonter où l’on se pousse et se hisse joyeusement. Les enfants reviendront fourbus, ivres de bon air, les poches et les mains pleines de petits cadeaux de la nature. Les animatrices, quant à elles, ont les jambes qui leur rappellent qu’elles n’ont plus 20 ans. Mais c’est si gai !

Le dernier jour, vous l’avez vu, est celui où nos petits indiens et indiennes, de façon spontanée bien souvent, auront l’occasion de manifester leur plaisir d’être ensemble. La matinée sera consacrée à la peinture d’un t-shirt sur lequel chacun peindra un animal et une qualité que les autres enfants lui auront suggérés. Les discussions vont bon train pendant l’attribution : William, à qui ses amis d’école disent qu’il est «prêt à tout» nuancera avec ses amis indiens pour finalement peindre un «Jaguar, toujours prêt».

Dernier après-midi : « Mustang, compte sur moi », « Ouistiti,100.000 volts », « Loup, prudent » et tous les autres se peignent mutuellement sur le visage de vrais signes indiens ou de véritables œuvres d’art.

Alors que nous chantons une dernière fois « Wakatanka » en y ajoutant des couplets de notre invention, les parents arrivent. Déjà ! Comme le temps a passé vite ! Rien n’est prêt pour les accueillir. Qu’à cela ne tienne, ils vivront en «life» la fin du stage. Le cercle s’agrandit à chaque arrivée et nous avons bien du plaisir à associer papa, maman, la petite sœur ou le cousin aux jeux coopératifs qui s’enchaînent. Il y aura le «Je m’assieds dans l’herbe», le «pomme-poire-pêche», le «vampire» qui nous ont tant fait rire, mais aussi l’explication de toutes les autres activités et la découverte, un verre à la main, des réalisations de chacun.

Nous avons entendu dire que nos indiens avaient parfois eu le cœur bien gros de se quitter. Une liste des adresses a été envoyée pour qu’ils aient l’occasion de se revoir. Qu’ils sachent aussi que, l’année prochaine, un autre stage est prévu (les 2, 3, 4 et 5 avril 2002) sur le thème de l’Afrique. Au programme : contes, danses, musiques d’Afrique ; construction de masques et de jouets africains ; préparation et dégustation d’un authentique repas congolais.

Hugh !