Des conflits et des groupes

Un article initialement publié dans le trimestriel n°97, en 2006.

Qu’il s’agisse de formation à la communication, au processus de gestion des conflits ou des modules plus spécifiquement liés à l’assertivité, à la créativité, voire même à la coopération, nous envisageons globalement le travail du point de vue (inter)personnel. La personne est en effet au cœur même de la transformation ou du changement que l’on souhaite puisque c’est bien la personne (tant d’un point de vue cognitif qu’affectif), qui peut décider de modifier ses comportements dans la relation qu’elle établit avec elle-même, ou dans son rapport à l’autre ou au monde.

Cependant, si c’est bien la personne qui peut initialiser une modification cognitive ou comportementale face à la réalité concrète d’un conflit, nombreux sont ceux qui nous demandent ce qu’il s’agit de faire lorsque le conflit se déroule dans le cadre d’un groupe ou d’une équipe de travail.

Depuis quelques années, les formateurs de l’Université de Paix mènent donc une réflexion sur l’articulation entre la dynamique interpersonnelle et la dimension plus groupale du conflit. Les psychologues sociaux et les dynamiciens de groupe (issus entre autres, de la systémique) savent l’importance et l’influence du groupe sur le comportement des individus qui le composent. Lorsque nous sommes en groupe, une série de phénomènes apparaissent, qui dépassent l’entendement et la seule compréhension de ce qu’est l’individu du point de vue psychologique ou relationnel.

> Voir aussi l’ouvrage Dynamique des groupes

En effet, quelle que soit l’origine d’un groupe (réseau amical, projet privé ou professionnel), les membres du groupe tissent entre eux un réseau de relations qui donne naissance à une structure groupale dans laquelle chaque membre du groupe se situe par rapport aux autres. C’est sur cette base organique que s’organise le groupe, que se structure le pouvoir, que s’élaborent des normes communes de groupe et que se répartissent par suite rôles et fonctions.

Si l’on sait, au simple niveau d’une relation interpersonnelle, combien l’autre nous agit et modifie nos perceptions autant que nos réactions (et vice et versa), imaginez donc combien plus grande sera l’influence que nous « subissons »/agissons au sein d’un réseau relationnel plus complexe. Dans les situations conflictuelles de groupe, des coalitions naissent, du contre-pouvoir s’organise, les différents se renforcent au gré des alliances ou selon les normes que le groupe s’est données. Ainsi, plus grande est la difficulté d’établir collectivement les règles de résolution du conflit,  d’identifier l’objet concret du conflit et les faits sur base desquels la discussion aura lieu. S’amorcent souvent des conflits de valeurs ou des débats d’opinions dont on sait la non pertinence quand il s’agit de gérer positivement un conflit.

Par ailleurs, en situation conflictuelle, la dimension émotionnelle du groupe est souvent exacerbée (on en sait l’importance puisqu’elle est au fondement de l’organisation relationnelle du groupe), ce qui amplifie souvent la perception que l’on se fait du « problème » vécu par le groupe et le « danger » que chacun y voit. Confusion, frustration, peurs et colères sont souvent renforcées dans les situations de conflit en groupe, et démêler la situation devient souvent difficile lorsque les questions de dynamique s’entrecroisent avec celles du conflit proprement dit.

Dans le séminaire que l’Université de Paix organise autour du thème « Des conflits et des groupes », les participants sont amenés à prendre conscience des divers phénomènes qui font partie intégrante de la vie d’un groupe. Ainsi, en situation conflictuelle, devient-on plus capable d’utiliser au mieux les ressources du groupe mais aussi sa morphologie, les réseaux relationnels et affectifs qui le composent, les normes qui lui sont propres ou le tissu de pouvoir qui le caractérise afin d’entamer un processus de résolution des conflits.

La gestion positive des conflits est tout à fait possible dans le cadre de conflits de groupe. Les méthodes et les outils de gestion positive que nous enseignons par ailleurs sont entièrement praticables au sein des groupes. Cependant, dans le jeu plus complexe de la réalité d’un groupe, les connaissances de base en dynamique de groupe restent indispensables pour pouvoir mettre en pratique analyses pertinentes et stratégies efficaces dans la dimension groupale de la gestion des conflits.