La résistance au changement (1) : pour quoi changer ?

Quelle(s) piste(s) pour l’accompagnateur du changement ? Comment l’accompagner en douceur, vers un nouvel équilibre, plus satisfaisant ?

Cet article est une adaptation du dossier sur la résistance au changement issu de la réflexion du Conseil académique en gestion de conflits et en éducation à la paix. Ce travail peut être consulté sur http://www.universitedepaix.org/la-resistance-au-changement

La résistance au changement

La résistance au changement peut se manifester sous différentes formes et en fonction de causes multiples. Elle est souvent accompagnée d’une peur : « je n’y arriverai pas, je n’oserai pas ».

Si la peur de changer est supérieure à l’objectif de changer, alors il y a résistance.

Equilibre du système (situation insatisfaisante) -> Changement (processus) -> Nouvel équilibre du système, plus satisfaisant
Avantages à ne pas changer

Désavantages (problèmes dans la situation)

Contexte propice ou non au changement (cadre sécurisant ou pas)

Préoccupations (motivations, plaisir à changer ou à ne pas changer)

Obstacles, freins au changement

Dont peurs du changement (représentations anxieuses)

Formulation d’objections constructives

Objectifs, représentation de ce que l’on voudrait

Quelques mots sur l’homéostasie

Dans la nature, l’homéostasie consiste à maintenir un équilibre dans le système. L’homéostasie implique une adaptation à plusieurs niveaux par rapport au contexte : biologique (par exemple, lorsqu’un individu rentre dans une pièce trop chaude, sa température interne se modifie), mais aussi relationnelle. L’homéostasie est une propriété de tout système qui cherche à se maintenir dans un certain équilibre. Cette homéostasie peut être insatisfaisante : ainsi en est-il de l’employé qui sourit à son employeur malgré une situation de harcèlement, par exemple. L’employé adopte un comportement pour maintenir sa place dans le système. Il s’agit donc d’imaginer un nouvel équilibre souhaitable.

Le sens du changement : pour quoi changer ?

Sens du changement (Pour quoi changer ?) Processus du changement (Comment changer ?) Contenu du changement (Quoi changer ?)

Fig. Sens, processus et contenu du changement

Une erreur suscitant des freins au changement consiste à se focaliser sur les contenus du changement, c’est-à-dire sur des objectifs spécifiques qui ne sont pas nécessairement partagés.

Les personnes qui veulent changer dans cette direction sont alors dans une posture où elles veulent convaincre les autres. Or, le sens du changement (le « pour quoi ») n’est peut-être pas perçu : quelle pertinence y a-t-il à changer ? Qu’est-ce qui peut nous rassembler autour d’un changement ? Qu’est-ce qui nous préoccupe, et à quoi nous voudrions remédier ? Quelles sont nos motivations ?

Changer Ne pas changer
Avantages Avantages
Inconvénients Inconvénients

Fig. Avantages et inconvénients à changer ou non

Prendre conscience des avantages à changer

Recueillir l’info : les « signaux faibles »

Les « signaux faibles » sont des informations partielles fournies par l’environnement. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’éléments qui peuvent être interprétés comme des indices que le changement est souhaitable.

Définir des indicateurs du changement

Comme nous l’avons sous-entendu ci-dessus, avant d’envisager un changement, il est intéressant de s’interroger sur sa pertinence, sur le sens du changement. Y a-t-il une situation insatisfaisante ? Qu’est-ce qui la caractérise ? Comment est-elle perçue ? Quelle est la perception du changement ?

Si celui-ci est souhaitable, il importe de définir des indicateurs pour le changement à amorcer : vers quoi voulons-nous aller ? Quels éléments nous permettront de déterminer si nous sommes arrivés à destination ? Cela permet de travailler sur les motivations des acteurs, par ailleurs.

Prendre conscience des désavantages à ne pas changer

Face à une situation inconfortable ou un problème : exacerber le ressenti insupportable de la situation à changer

Face à une personne qui déclare vouloir changer mais qui semble freiner le processus, il peut être judicieux de construire avec elle l’image d’un futur insupportable dans une situation qui ne change pas et empire. Cette étape permet aussi d’identifier les problèmes.

Prendre conscience des avantages à ne pas changer

Toute situation comporte des avantages et des inconvénients, même les situations les plus atroces.

Lorsque je suis malade ou que je traverse des choses difficiles, mes proches s’occupent de moi, m’accordent de l’attention, etc. Partager sa vie avec quelqu’un de nuisible comporte l’avantage de ne pas être seul(e). Exécuter un travail dans lequel il y a du harcèlement moral me permet d’avoir un salaire plutôt que d’être au chômage. Un changement dans une structure peut représenter une perte d’avantages « territoriaux ».

Un des enjeux consiste à résoudre cette dissonance, et donc à admettre sans jugement qu’un des freins au changement se situe dans le fait que l’individu tire aussi des avantages dans sa situation. Ne pas changer remplit des fonctions utiles pour le système ou certains de ses membres. Parfois, cette expérience peut permettre à l’individu d’assumer pleinement, sereinement et consciemment (plutôt que par la plainte, par exemple), son choix de ne pas changer au final.

Prendre conscience des désavantages à changer

Il y a des désavantages à changer. Par défaut, un changement est plutôt perçu comme une menace, un danger. Cela génère des peurs. Il se peut néanmoins qu’il s’agisse d’anticipations irrationnelles.

Le travail consiste à faire un état des lieux des peurs et de ce qui les fonde (ou non) dans les faits, en termes de préoccupations : comment maximiser les avantages du changement en diminuant les désavantages à changer, en ne « perdant » pas ce qui nous satisfait ?

Face aux représentations anxieuses, imaginer (autrement) le changement

Faire imaginer le changement, le faire vivre par procuration : « si tu changes, que se passera-t-il ? ». La personne anxieuse face au changement a une représentation mentale telle que le changement implique une catastrophe. L’idée est de travailler avec elle sur une image où elle ne change pas (se sent-elle bien ?), puis sur différentes images de la situation « changée », et principalement sur des images positives.

Cela permet d’une part de confronter la personne à son image anxieuse et d’autre part de sortir de la pensée anxieuse automatique en ouvrant à d’autres représentations. La personne peut dès lors envisager des issues positives au changement.

La technique de la fée bleue

Un pas plus loin consiste à faire émerger la représentation idéale de la personne : « dis-moi, montre-moi, fais-moi vivre ce que tu voudrais qui soit. Comment serait la situation si cela se passait ? ». Une technique pour susciter des représentations positives consiste à « décadrer » les représentations : « imagine que je suis une fée bleue avec une baguette magique, et d’un coup, je fais disparaître ce qui te freine. Que reste-t-il ? Comment se passe la situation si la fée casse toutes les objections ? ».

Des tactiques pour mettre à distance face aux représentations anxieuses

Si la personne a trop peur d’imaginer l’avenir « changé », on peut utiliser des tactiques détournées afin de la mettre à distance. Comme avec une personne qui aurait peur d’une araignée, je peux tâcher de la mettre à distance dans l’image (jouer sur la sensation d’éloignement, faire varier virtuellement des éléments comme la luminosité, l’espace, les couleurs…), puis la rapprocher progressivement de sa peur. Lorsque l’araignée est à dix mètres, la personne n’a plus peur. Et à neuf mètres ? Et à huit ?

Une autre stratégie est la suivante : plutôt que de demander à la personne de s’imaginer dans la situation, je lui demande de me la faire imaginer, et je demande les détails. Il y a encore un travail de mise à distance « virtuelle » avec l’image anxiogène.

Il s’agit d’amorcer le changement par le ressenti de la personne. Si elle ressent biologiquement parlant le changement, cela la met déjà en mouvement.